Nous allons à dessein, nous limiter qu’à la mécanisation des opérations culturales dans cette réflexion car la mécanisation agricole est un terme générique incluant les aménagements, l’irrigation, les opérations post-récoltes dont la transformation des produits agropastoraux et nécessairement l’utilisation des engins dans la plantation, pour faire simple. Les puristes nous dirons que l’on ne saurait produire à grande échelle et ne pas envisager la transformation, nous sommes d’avis mais nous relevons que la quasi-totalité de nos industries de transformation évoluent en deçà de leurs capacités du fait de la matière première pas abondante ; les industries de transformation du café, du manioc, du poulet et ses dérivés (mayonnaise) des oléagineux, etc. en sont de parfaites illustrations.
Importance de la mécanisation agricole
Qu’est-ce-que c’est la mécanisation agricole et quel est son impact dans le quotidien d’une nation, d’un individu, dans le contexte ci-dessus défini ?
Il s’agit dans le contexte ci-dessus préalablement circoncis, de l’utilisation des engins et équipements permettant d’accroître la productivité des exploitations et par delà l’ouverture de vastes surfaces culturales, la production agricole. La mécanisation agricole permet de :
– réduire la pénibilité du travail ;
– compenser le manque ou le déficit de main d’œuvre ;
– améliorer la productivité par une meilleure exploitation de la couche arable ;
– apporter à travers l’irrigation, des quantités d’eau requises à différents stades végétatifs et en tout temps, à travers la construction des retenues d’eau, des canaux primaires, secondaires et tertiaires, des canaux de drainage) ;
– gagner en temps (semis, traitements des cultures en champs, récoltes) ;
– transporter vers ou hors champs, des intrants et des récoltes ;
– etc.
Problèmes de la mécanisation
Nous n’aborderons pas les inconvénients qui pour nous semblent mineurs au regard de notre niveau de développement tout comme nous ne parlerons pas du foncier et sa sécurisation qui relèvent du pouvoir de l’Etat à qui appartiennent toutes les terres, selon la réglementation.
La mécanisation agricole démarre par les aménagements de l’espace à l’aide d’engins de génie civiles (bulldozer, pelles mécaniques, niveleuses, camions bennes, etc.). Pour le citoyen ordinaire, la mécanisation agricole signifie l’usage du tracteur, or ce précieux outil que l’on rencontre dans d’autres domaines de la vie (aviation, les ports etc.) n’intervient efficacement en agriculture qu’une fois des aménagements préalables effectués à l’instar des défrichements et enlèvement des grandes herbes, arbres et arbustes, le retournement des sols, son nivellement quelques fois pour la stabilité des engins lors des opérations culturales (labour, semis, traitements, récoltes).
Les pouvoirs publics ont multiplié des tentatives en dotant le pays de tracteurs agricoles, à travers divers partenariats. Beaucoup d’encre a coulé sur les 60 puis 1000 tracteurs, largement subventionnés à l’achat, tracteurs issus de l’Inde avec la disponibilité d’une usine de montage quasi complète. Bien d’autres initiatives avec l’occident, le Maghreb Arabe, la coopération multilatérale, etc. sont moins connues qui ont été les précurseurs à l’arrivée des tracteurs indiens ; la problématique liée aux aménagements n’ayant pas été solutionnée en amont, de telles initiatives allaient pour ainsi dire, face à un mur.
Les principales limites à la mécanisation au Cameroun sans être exhaustifs sont :
– les coûts élevés des prestations lorsque l’on peut les avoir ;
– la méconnaissance par les propriétaires d’engins de génie civile, des techniques d’aménagement hydro-agricoles ;
– l’absence de services contractuels de ventes des engins adaptés et des services après-vente, etc.) ;
– le coût élevé des engins et pièces de rechange qui continuent en dépit des Lois de finances successives, de supporter les impôts et taxes (TVA notamment);
– la mercuriale qui ne reconnait pas encore nombre d’équipements agricoles et qui les intègre fort opportunément de manière progressive ;
– le faible pouvoir d’achat des entrepreneurs agricoles ;
– l’absence de mécaniciens spécialisés ;
– le faible nombre des institutions de formation aux métiers de la mécanisation (CENEEMA et EPAB basés à Yaoundé) ;
– la fabrication locale d’engins et équipements agricoles qui tarde à éclore, faute d’appuis institutionnels. Beaucoup de prototypes d’équipements mis en place par le CENEEMA il y a 20/30 ans, aujourd’hui sans nouvelle ;
– les opérations d’aménagement non exemptées des impôts et taxes au même titre que les équipements agricoles ;
– etc.
Les solutions possibles
Elles découlent des problèmes ci-dessus relevés. Nous en proposons quelques pistes de solutions mais souhaiterions qu’un débat soit ouvert sur le sujet pour que le pays sorte rapidement ou limite de manière significative dans des délais raisonnables, l’importation des matières agropastorales susceptibles d’être produites localement. Nous suggérons de ce fait les pistes ci-après :
– la formulation d’une nouvelle stratégie de mécanisation agricole qui ferait des aménagements hydro-agricoles, une priorité pour l’Etat au même titre que la construction des logements sociaux et l’aménagement des zones industrielles (MAETUR et MAGZI), en d’autres termes, la prise en main des opérations d’aménagement devrait incomber à l’Etat. Les missions du CEENEMA pourraient ainsi être revues pour intégrer ces aspects et bien d’autres comme l’exemption des opérations d’aménagements des impôts et taxes et pourquoi ne pas imaginer un carburant spécifique aux aménagements hydro-agricoles, comme autrefois avec la pêche industrielle ?
– la MAETUR (Mission d’Aménagement et d’Equipement des Terrains Urbains et Ruraux) qui semble avoir un penchant rural, pourrait tout aussi bien redynamiser ses interventions et être ainsi plus présente et plus visibles dans le cadre de son déploiement ;
– la création et dotation des Régions ou à la limite, de chacune des cinq zones agro-écologiques de pools d’engins agricoles ;
– la formation dans les écoles techniques et centres spécialisés, des formateurs en conduite, entretiens et utilisation d’engins agricoles ;
– l’appui des pouvoirs publics aux artisans, concepteurs et aux éventuels industriels dans la fabrication en série des équipements agricoles ;
– etc.
Tentative de description d’un pool d’engins et équipements agricoles
Un pool d’engins agricoles dans sa simple expression serait constitué des équipements ci-après :
– deux bulldozers (D7-D8 en zone forestière), (D5-D6) en zone de savane
– une pelle chargeur ;
– une niveleuse ;
– une chaîne forestière ;
– un camion benne de 20T ;
– un camion + HIAPP ;
– un pickup 4X4 ;
– quelques tracteurs dont certains à 4 roues motrices ;
– des bennes de 10-20 tonnes ;
– une moissonneuse-batteuse multifonctions ;
– les outils attelés (charrues, pulvériseurs, semoirs-épandeur d’engrais, pulvérisateurs, billonneuse ;
– chevalement ;
– une caisse à outils ;
– un compresseur ;
– etc.
Vous convenez avec nous que les séchoirs et autres équipements post-récoltes seraient ainsi laissés à la discrétion des entrepreneurs agropastoraux, pris individuellement ou en groupes.
La solution à certaines limites ainsi recensées pourrait susciter un intérêt certain des opérateurs économiques à la chose agricole, à l’accroissement des superficies sous culture, à l’installation des jeunes issus des écoles d’agriculture et même des petits planteurs, à l’utilisation des tracteurs et autres équipements agricoles, à la réduction de la facture à l’importation des denrées agricoles.
Yaoundé, le 20 août 2023
Par NGO’O BITOMO Adrian
Ingénieur Agronome Hors Echelle
Chevalier de l ’Ordre de la valeur