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Eugene Nyambal : Conseils à M. Mopa, directeur général des impôts sortant pour son départ au FMI 

(Leconomie.info) – Je tiens tout d’abord à adresser tous mes vœux de plein succès à mon jeune frère et compatriote. Mr. Mopa, Directeur Général du FMI pour son nouveau poste de Secrétaire Général du TADAT auprès du Fonds monétaire international pour une durée de 3 ans.

Plus précisément, Mr. Mopa vient de rejoindre l’Initiative TADAT (Tax Administration Diagnostic Assessment Tool) du FMI et de la Banque mondiale lancée en 2015 afin d’aider les pays pauvres à renforcer leur fiscalité. Par son talent, il a été sélectionné parmi d’autres candidats. C’est dans ce contexte qu’il a obtenu l’accord des autorités pour son détachement auprès du FMI conformément aux dispositions du code général de la fonction publique donnant la possibilité à tout fonctionnaire d’être placé temporairement hors de son poste de travail pour servir auprès d’une organisation internationale.

COMMENT UN CADRE AFRICAIN PEUT TRAVAILLER AU FMI

En dehors du circuit des « Young Professionals » ou jeunes diplômés issus des meilleures universités mondiales sélectionnés sur une base très compétitive, un haut cadre africain travaillant pour une Banque Centrale ou un Ministère des Finances peut rejoindre le FMI par les 4 voies suivantes : (i) le circuit des équipes techniques et celui des cadres du Conseil d’Administration alliant la dimension technique et politique pour les cadres plus expérimentés et les anciens Ministres.

Premièrement, un cadre peut rejoindre le FMI pour un contrat à durée déterminée de trois ans après avoir passé avec succès les entretiens pour rejoindre les équipes techniques du Fonds monétaire en tant qu’économiste au sein des Divisions et Départements du FMI sous la responsabilité du Directeur Général du FMI élu et supervisé par le Conseil d’Administration. A ce titre, il participe aux missions du FMI dans les pays membres, à savoir ; les programmes d’ajustement avec des prêts et des conditionnalités, les consultations basées sur une évaluation économique sans contraintes de mise en œuvre des conseils et l’assistance technique.

Deuxièmement, un cadre peut rejoindre le FMI par un détachement temporaire dans le cadre du programme de renforcement des capacités permettant aux Etats membres d’y envoyer des cadres de la Banque centrale (BCEAO, BEAC, etc.) pour 2-3 ans afin de leur permettre de se familiariser aux outils et méthodes de travail du FMI. A l’issue de ce détachement, ces cadres ont l’obligation de rejoindre leur administration d’origine ou postuler pour aux postes d’économistes pour rejoindre les équipes du FMI.

Troisièmement, un cadre peut rejoindre le FMI à travers l’une de ses Initiatives spécialisées d’assistance technique mises en place par le Fonds monétaire afin de renforcer les capacités des pays à faible revenu (AFRITAC ou TADAT). Ces Initiatives ont une organisation autonome (organes de supervision, ressources propres du FMI et des bailleurs de fonds bilatéraux pour l’exécution de leur mandat qui consiste à faire du lobbying avec les pays sur des questions spécifiques, recruter des consultants pour les0 diagnostics et l’appui à la mise en œuvre des recommandations. Leurs équipes sont distinctes des équipes d’économistes du FMI que vous rencontrez lors des missions. Mais leur personnel clé (Secrétariat Général du TADAT ou AFRICA) a un statut spécial lui permettant de bénéficier des mêmes traitements que le personnel du FMI place sous la responsabilité directe du Directeur Général.

Quatrièmement, le Conseil d’Administration du FMI compte 24 administrateurs pour 190 pays membres, y compris 2 administrateurs pour 50 pays africains. Un haut cadre peut rejoindre le FMI comme Conseiller Principal ou Conseiller simple auprès d’un Administrateur représentant l’Afrique au Conseil d’Administration. L’Administrateur de chaque bloc de 25 pays Africains est élu par les Ministres des Finances du groupe sur proposition du Chef d’Etat dont le pays doit exercer le mandat sur un base rotative. Le statut des conseillers principaux est rattaché à celui du senior management du FMI (Directeur Général et Administrateurs) tandis que celui des conseillers simples est rattaché au personnel du FMI. Tous les Conseillers sont recrutés soit parmi les cadres africains chevronnés du FMI et de la Banque mondiale, soit parmi les hauts cadres détachés par les Banques centrales et les Ministères des Finances des pays membres. Pour les Etats-Unis, les pays de l’UE, la Russie, la Chine ou les pays d’Afrique anglophone, la tradition est de détacher au Conseil d’Administration du FMI, les cadres du Trésor (Ministère des Finances) ou de la Banque Centrale afin d’accélérer leur carrière ou des cadres capables de protéger les intérêts vitaux du pays. Ils sont les courroies de transmission des autorités.

Concernant l’Afrique, compte tenu de la nature stratégique et politique des postes de Conseiller Principal et du fait que l’Administrateur est élu par les Ministres des Finances des pays membres du groupe, le gouvernement peut informellement demander à l’Administrateur de se débarrasser d’un Conseiller Principal auquel il ne fait pas confiance, y compris sans motif, avec une indemnisation limitée à 2 mois de salaire en cas de départ immédiat sans préavis. C’est ce qui m’est arrivé lors de mon départ du FMI en 24 heures. L’Administrateur n’est pas obligé de céder aux pressions. Car les membres du Conseil d’Administration y compris les Conseillers, représentent à la fois les intérêts du FMI et la voix des pays membres.

L’Initiative TADAT que rejoint notre compatriote comme Secrétaire Général est une initiative conjointe lancée en 2015 par le FMI et de la Banque mondiale afin d’aider les pays en développement à renforcer leur fiscalité à travers la promotion du dialogue afin de mieux faire entendre la voix des pays pauvres sur les questions fiscales internationales et l’élaboration des outils de diagnostic visant à renforcer la mobilisation des recettes.

L’Initiative AFRITAC (4 centres d’assistance technique régionaux : Libreville, Abidjan, Nairobi)) pour laquelle Mr. Mopa a travaillé dans le passé a été mise en place par le FMI dans les années 2000 dans le cadre du combat que nous avons mené au Conseil d’Administration lors des discussions sur l’Initiative PPTE afin d’amener le FMI à fournir aux pays une assistance plus proche du terrain.    

A l’issue de son contrat avec le TADAT ou AFRITAC, tout cadre en détachement auprès de ces structures du FMI peut soit rejoindre son Administration d’origine, soit postuler pour être recruté comme économiste au sein des équipes techniques du FMI.

Ceci m’amène à renouveler toute ma fierté pour le brillant parcours de Mr. Mopa en lui souhaitant le meilleur parcours possible dans cette auguste institution qui lui permettra au quotidien d’élargir son champ d’expérience et d’expertise et devenir meilleur au contact d’équipes d’une qualité exceptionnelle dont je garde le meilleur souvenir.

J’ai énormément apprécié son message d’adieu plein d’humilité et de patriotisme. Au vu de ma propre expérience après avoir servi mon pays avec loyauté depuis l’an 2000 au poste de Conseiller Principal pour l’Afrique au Conseil d’Administration du FMI, je l’invite à la plus grande vigilance. Car il sera de plus en plus perçu au bercail comme un concurrent à abattre. Le Cameroun a l’art de combattre ses fils les plus brillants dans une schizophrénie alliant convoitise, médiocrité et pulsions ethnocentriques.

A deux reprises, j’ai été férocement combattu par mes propres autorités. La première fois en 2003, lorsque le nouvel Administrateur Equato-Guinéen, en complicité avec les autorités camerounaises m’a obligé de quitter, en 24 heures, mes fonctions de Conseiller principal pour transmettre le dossier du Cameroun à Mr. Essimi Menye qui venait d’être recruté quelques mois auparavant comme Conseiller simple sous le prétexte qu’il ne peut pas y avoir deux experts camerounais au Conseil d’Administration. Etant donné que la Direction Générale du FMI n’a pas le droit d’intervenir dans la gestion des Bureaux des membres du Conseil, face à cette injustice, le Directeur General du FMI, Mr. Horst Kohler avait décidé d’assurer le paiement de mon salaire jusqu’à mon retour à la (Banque mondiale (SFI).  

La deuxième fois lorsque j’ai retrouvé mon poste après la nomination de Mr. Essimi au poste de Ministre des Finances, les autorités camerounaises m’ont combattu pour mon opposition au détournement de 60 millions de dollars approuvés par le FMI pour le projet minier Geovic, une société créée par un couple d’ américains de l’Etat du Colorado, immatriculée dans le paradis fiscal des Iles caïmans, ayant obtenu sur la base d’un capital social de 10 millions FCFA, une concession de cobalt, nickel et manganèses de 25 ans renouvelables jusqu’à épuisement des ressources.

Par le biais de la société de sécurité américaine Allied Barton security, employée par le FMI et la Banque mondiale, mon nom et ma photo ont été secrètement inscrits sur la « liste Noire » du FMI et transmises à la Banque mondiale et d’autres organisations internationales afin de me présenter comme un danger pour la sécurité et détruire irrémédiablement mon intégrité et ma réputation professionnelle. Sur la base des preuves fournies par l’enquête de la Banque mondiale sur cette forfaiture et des excuses de cette dernière pour mon inscription illégale sur sa liste noire par des tiers, j’ai déposé une plainte en diffamation contre Allied Barton security en 2014. La compagnie d’assurance représentant cette société au tribunal mon indemnisation a transféré l’affaire dans un autre Tribunal où un Juge Fédéral Noir-américain fait du dilatoire depuis près de dix ans, y compris 5 ans pour la phase initiale d’échanges de documents dont la durée normale est de 3 à 6 mois ainsi que la soustraction pure et simple de documents après confirmation écrite par le greffe de leur transmission au bureau du juge. Aucun recours en appel n’est possible tant que le juge n’a pas rendu une décision finale. Aucun système judicaire au monde ne devrait permettre qu’une affaire reste pendante sur une dizaine d’années.

C’est ainsi que ma carrière internationale est arrivée à terme lorsque j’avais 46 ans. J’avais déjà représenté l’Afrique au Conseil d’Administration à deux reprises, gagné deux prix d’excellence avec la Banque mondiale et la SFI, écrit de nombreux ouvrages et j’étais régulièrement invité comme «Eminent Speaker » dans les organisations internationales sur les questions de développement. Depuis lors, je n’ai jamais bénéficié de l’appui du Cameroun pour les postes de responsabilité à l’international nécessitant un appui politique.

C’est le Cameroun qui a perdu. Car depuis mon départ de mon poste de Conseiller Principal en 2009, il n’y a aucun Camerounais au Conseil d’Administration du FMI alors qu’il y a des Ivoiriens, Congolais, Sénégalais, Burkinabè, etc., qui servent d’éclaireur pour leur pays quelle que soit la couleur politique de leurs dirigeants. Avant moi, il y a eu des ainés comme Nana Sinkam. Après mon départ, le Cameroun a fait nommer un jeune homme ayant des connexions à Yaoundé, il a rapidement quitté le FMI.

Comme à la coupe du monde de football où s’affrontent les Nations ayant sélectionné leurs meilleures ressources issues du pays et de la diaspora, la compétition économique est avant tout une confrontation entre les élites. La victoire est impossible si l’équipe est mauvaise. Notre pays doit restaurer la méritocratie, renouveler les élites, libérer les énergies et accepter la compétition des talents.

Nous devons avoir des modèles d’excellence pour notre jeunesse. Il est important de rappeler que nous avons côtoyé les Ministres des Finances et Gouverneurs des Banques centrales du monde entier, travaillé avec des collègues qui dirigent les économies des grands pays ou suivi le même cursus d’excellence que les Occidentaux qui font l’objet d’admiration dans nos pays (Christine L’argarde, Strauss-Kahn, le Président Macron et d’autres membres de leurs élites). J’ai un MBA de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées de Paris, Diplôme de l’Institut d’Etudes Politiques comme Lagarde, Macron, Chirac, Strauss-Kahn), DESS en Systèmes d’Information de Gestion (Université Paris-Dauphine), DESS en Banque, Finance et Négoce International et Maitrise en Economie ((Université de Bordeaux).

Avec certitude, après avoir parcouru le FMI, la Banque mondiale, la SFI et le secteur privé et doté d’un sens patriotique élevé et de la ferme conviction que le rôle des élites est de transformer la société et prendre rendez-vous avec l’Histoire, j’ai une vision claire des actions à mettre en œuvre pour résoudre nombre de défis économiques et sociaux qui se posent aujourd’hui au Cameroun, améliorer les conditions de vie de mes concitoyens et remettre notre pays dans la course avec les nations les plus performantes en Afrique.

Je suis loin d’être un cas isolé. Le Cameroun regorge de ressources humaines abondantes qui ne sont pas utilisées. Il est moins organisé que les autres nations pour la promotion de ses cadres dans les organisations internationales. C’est pourquoi nous n’avons eu ni la présidence de la BAD, ni les postes de Directeur-Afrique au FMI et Vice-Président à la Banque mondiale. Au FMI, J’ai côtoyé au quotidien des collègues qui sont devenus Ministres, Gouverneurs de Banques centrales, Directeur de cabinet du Premier Ministre Britannique et qui sont revenus plus tard comme Directeur-Général à la Banque mondiale, Directeur Général-Adjoint du FMI ou candidats à la Présidence de la BAD grâce à cette onction politique ou au soutien de leurs Etats.

Pour les nouvelles générations, je souhaite que le Cameroun retrouve le chemin de la méritocratie, utilise mieux ses talents, se préoccupe davantage du bien-être du citoyen, et facilite le rayonnement de ses citoyens au FMI et dans les autres organisations internationales.

Modeste, je te souhaite Bonne Chance et Plein Succès.

 Eugene Nyambal

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