Le Projet de Loi de Finances (PLF) de la République du Cameroun pour l’exercice 2026 est en examen Parlement depuis le 26 novembre 2025. Ce document, dont L’Economie a pu obtenir une copie, s’inscrit dans la continuité de la Circulaire présidentielle du 18 juillet 2025. Dans ce projet de loi, le Gouvernement propose un budget qui s’équilibre à la somme record de 8 816,4 milliards de FCFA en ressources et en emplois. Ce chiffre traduit une augmentation spectaculaire de 1 080,5 milliards de FCFA en valeur absolue, soit une croissance de 14,0% par rapport à l’exercice 2025 (7 335,9 milliards de FCFA).

Ce bond en avant n’est pas uniquement le fruit d’hypothèses macroéconomiques optimistes, mais repose sur des mesures musclées visant à assainir l’environnement financier et à maximiser la mobilisation des ressources internes. Le projet de loi, actuellement en examen à l’Assemblée Nationale, contient un arsenal de réformes, concentrées majoritairement sur le contrôle douanier et l’élargissement de l’assiette fiscale.

L’orientation affichée est double : Consolider de la situation des finances publiques en cohérence avec le Pacte de Convergence de la CEMAC. Et, mettre en œuvre des objectifs prioritaires de la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND30). Cependant, en dépit d’une conjoncture nationale plus favorable, avec une croissance économique attendue à 4,3% en 2026 (contre 3,9% en 2025) et une inflation en recul à 3%, l’ambition de ce budget révèle une dépendance croissante aux ressources d’emprunt et un déséquilibre financier qui interpelle.

Entre priorité sociale et relativisation de l’investissement

Dans les faits, la hausse du budget de l’État du Cameroun repose sur une forte augmentation des recettes internes, évaluées à 5 887,0 milliards de FCFA, soit une progression de 8,3% par rapport à 2025. Cette mobilisation est censée couvrir des dépenses budgétaires qui progressent plus vite.

Parmi les postes de dépenses, les investissements publics (BIP) sont projetés à 2 026,3 milliards de FCFA. Pourtant, si ce montant semble élevé en valeur absolue, sa part relative dans le budget de l’État est en recul, passant de 24,2% en 2025 à 22,8% en 2026. Ce glissement de la part allouée à l’investissement, moteur de la croissance future, au profit d’autres charges, nuance la lecture de l’augmentation budgétaire.

Parallèlement, le Gouvernement met en avant des mesures sociales fortes. En droite ligne des engagements présidentiels, un Fonds Spécial pour le soutien de l’autonomisation économique des femmes et la promotion de l’emploi des jeunes est créé, pourvu à hauteur de 50 milliards de FCFA. De même, la forte progression du budget des Comptes d’Affectation Spéciale (+98,1% à 132,5 milliards) pourrait signaler une volonté de cibler des dépenses spécifiques avec une plus grande efficacité.

« Outre l’inscription des mesures nouvelles en matières fiscale, douanière et non fiscale, le projet de loi de finances 2026 impulse un certain nombre d’innovations au registre desquelles : la suppression des chapitres communs et leur remplacement par deux dotations consacrées aux dépenses accidentelles et imprévisibles logées respectivement au MINFI (fonctionnement) et au MINEPAT (investissement);  le changement du mode de présentation des budgets de certaines institutions de souveraineté, désormais libellé sous forme de dotation; l’application intégrale du décret portant nomenclature budgétaire de l’Etat ; l’éclatement du Fonds de reconstruction des Régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en deux Fonds distincts, pour une meilleure efficacité », peut-on lire.

Le poids du déficit et le recours massif à l’endettement

L’aspect le plus saillant de ce PLF réside dans l’alourdissement sans précédent de son déséquilibre financier. Loin de tendre vers l’équilibre, le budget 2026 présente un solde global déficitaire de 631,0 milliards de FCFA, contre 309,9 milliards de FCFA en 2025. En l’espace d’un an, le déficit budgétaire a donc plus que doublé, se traduisant par un accroissement du besoin de financement de 327,1 milliards de FCFA.

En tenant compte de l’amortissement de la dette intérieure et extérieure (évaluée à 1 870,6 milliards) et du paiement des arriérés intérieurs (498,8 milliards), le besoin de financement global de l’État pour 2026 se chiffre à 3 104,2 milliards de FCFA. Il s’agit d’une hausse alarmante de 777,5 milliards de FCFA par rapport à l’année précédente (2 326,5 milliards de FCFA).

Pour combler ce gap, le Gouvernement a planifié un recours massif aux sources de financement externe et interne : l’émission de titres publics (400,0 milliards), les financements bancaires (589,7 milliards), et surtout, les emprunts extérieurs (1 000 milliards). Cette dépendance accrue, où près d’un tiers du besoin de financement sera couvert par de la nouvelle dette, pose inévitablement la question de la soutenabilité à moyen terme de cette croissance budgétaire, notamment au regard du poids croissant du service de la dette dans les charges de l’État. Le PLF 2026 est ainsi un pari ambitieux, mais dont le coût réel se mesurera à l’aune de la dette future du Cameroun.

« En 2026, l’orientation de la politique budgétaire globale du Gouvernement demeure la consolidation de la situation des finances publiques en cohérence avec le pacte de Convergence de la CEMAC tout en garantissant la mise en œuvre efficace des objectifs prioritaires de la SND30 », peut-on lire dans l’exposé des motifs du PLF2026.

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