Ange Ngandjo : « Le choix du cabinet RSM France pour auditer le concours de la Beac est une insulte à la compétence des experts de la Cemac » - L'Economie

En date du 29 janvier 2025, le Gouverneur de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), Monsieur Yvon SANA BANGUI, a présidé, par visioconférence, la réunion de lancement officiel de l’audit du concours de recrutement de la 22ème promotion des Agents d’Encadrement Supérieur de la BEAC. Cette réunion a rassemblé, apprend-on de la BEAC, outre le cabinet RSM France en charge de l’audit, les membres du Gouvernement de la Banque Centrale, les Directeurs Nationaux de la BEAC, ainsi que d’autres hauts responsables de la BEAC.

Il faut noter que cet audit externe avait été prescrit par le Comité Ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC), lors de sa session du 07 juin 2023 à Yaoundé, après interruption du processus de recrutement afin d’examiner les conditions d’organisation du concours et la crédibilité des résultats. Lors de son allocution, le Gouverneur a rappelé les attentes de la BEAC concernant cet audit. Il a notamment souligné la nécessité :

– D’établir la transparence autour du processus de recrutement, afin de garantir l’équité et l’intégrité du concours ;

– D’identifier les éventuelles faiblesses ou irrégularités qui auraient pu entacher le bon déroulement du concours;

– De formuler des recommandations concrètes pour améliorer les procédures de recrutement à l’avenir.

Bien que le lancement officiel de cet audit soit une avancée, pour la résolution de cette crise communautaire, il faut reconnaitre que le choix du cabinet RSM France au terme du processus de sélection internationale lancé en juillet 2024, pour réaliser cet audit est une insulte à la compétence des experts de la CEMAC, un gaspillage de nos devises, une mauvaise gestion de nos ressources financières, un aveu d’incompétence et de maturité des intelligences de la CEMAC par le gouvernement de la BEAC et cautionné par le Gouverneur Yvon SANA BANGUI.

Ce gouvernement de la BEAC veut-il nous faire croire qu’en CEMAC il n’y a pas un cabinet capable de travailler en toute transparence et indépendance afin de produire un rapport qui permettra au Comité Ministériel de l’UMAC de se prononcer sur la suite réservée à ce processus de recrutement, comme il a été demandé au cabinet RSM France ? Si nos ainés aux affaires ne le voient pas et ne le ressentent pas, ils doivent savoir que c’est gênant. Aurait-il été possible qu’un cabinet Centrafricain, tchadien, congolais, gabonais, équato-guinéen ou camerounais soit plébiscité pour auditer un dossier aussi sensible que celui-ci, de la Banque centrale européenne ? Qui l’aurait admis dans la communauté européenne ? C’est terrible ça !

Le Gouverneur qui a rappelé le respect impératif du délai de restitution du rapport final de l’audit fixé au 15 mars 2025, et le fait que cet audit doit permettre de restaurer la confiance du public dans les processus de recrutement de la BEAC et de garantir que les futurs agents d’encadrement supérieur seront recrutés sur la base de leurs compétences et de leur mérite, doit savoir qu’en matière de confiance du public à l’égard de la BEAC, il a fragilisé cette confiance par le choix du cabinet RSM France avant même que la mission ait débuté, ce sur plusieurs points :

1-      Le coût des ressources : ce choix laisse entrevoir la gabegie comme modèle de gouvernance de la BEAC. En faisant appel à un cabinet n’appartenant à aucun pays des Etats de la CEMAC, ça entraine des coûts plus élevés que ceux associés à un cabinet local. Ca soulève des questions sur l’utilisation efficiente des ressources financières de la communauté, dans un contexte où les institutions publiques sont soumises à des contraintes budgétaires.

2-      Le renforcement des capacités locales : en faisant appel à un cabinet local, il y’aurait eu une opportunité de renforcer les capacités et les compétences des experts régionaux en matière d’audit et de gestion des processus de recrutement de la BEAC. Cela aurait contribué au développement du secteur professionnel dans la sous-région au lieu de dépendre des experts étrangers. Certains pourraient tenter de nous berner que ce sera le cas en nous rappelant que le cabinet RSM France détient des correspondants au Tchad et au Gabon, respectivement Consulting Africa Tchad – CAT et FIDUGE Sarl, mais nous serions tentés de leur demander pourquoi la BEAC n’a pas fait confiance à ces correspondants locaux maitrisant déjà la philosophie, les compétences et les valeurs de RSM France ? Bien évidemment, si ce sont celles-ci qui intéressaient la BEAC.

3-      La préservation des réserves de change de la CEMAC : Le point 10 du communiqué final de la session extraordinaire de la conférence des Chefs d’Etats de la CEMAC tenue à Yaoundé le 16 Décembre 2024, nous rappelait que le niveau des réserves de change connait une tendance baissière depuis 2024 contrairement à la tendance haussière connue de 2016 à 2023. Une réalité qui devrait nous empêcher le luxe d’importer des services qui sont accessibles dans la communauté CEMAC. La discipline que la BEAC impose aux Etats membres en matière de gestion financière, elle devrait se l’imposer afin de briller par l’exemple.

4-      La confiance du public : Pour restaurer la confiance du public dans les processus de recrutement, il est crucial que les parties prenantes aient l’impression que l’audit est mené par des experts qui comprennent le contexte local, ce que nous doutons respectueusement ne pas être le cas du cabinet RSM France qui n’a pas de succursale dans aucun pays membre de la CEMAC. Plus, si le choix de ce cabinet est fondé sur la méfiance de la BEAC envers les cabinets locaux, ça minera sérieusement les efforts de la BEAC pour établir cette confiance.

En résumé, bien que le choix du cabinet RSM France apporte une expertise reconnue, il faut reconnaitre également que ce choix est une déception communautaire, par son caractère dispendieux des ressources financières rares de la CEMAC ; sa fragilisation de la confiance du public or c’est le contraire que cet audit est censé apporter ; et l’absence de volonté du gouvernement de la BEAC à renforcer les capacités sous régionales.

Par Ange NGANDJO (Banquier-Consultant)

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