Economie

Théodoret Marie Fansi : « Les banques ne doivent pas seulement regarder leur taux de pénétration dans les entreprises, mais aussi l’utilisation des services qu’elles proposent »

(Leconomie.info) - Dans cette interview, le Président directeur général du Cabinet Cible Etudes & Conseils revient sur les enjeux de l’étude que la structure qu’il dirige vient de produire sur la pénétration des services bancaires dans les entreprises au Cameroun.

Vous avez récemment réalisé une étude sur la pénétration des services bancaires dans les entreprises camerounaises. Quel est l’objectif de ce travail ?

Comme vous l’avez dit, nous avons, depuis l’année dernière, mis à la disposition des entreprises, le baromètre des banques. C’est un des produits de l’observatoire des entreprises. L’observatoire des entreprises se met progressivement en route dans le groupe Cible.  On a commencé par l’observatoire des banques que met en place Cible étude, demain, c’est l’observatoire de leadership. Pourquoi on a pensé à mettre en place tous ces observatoires ? Parce qu’il se pose aux décideurs, de disposer des outils pour orienter les décisions, et formaliser les objectifs.

C’est ainsi qu’une banque a besoin de savoir où est-ce qu’elle se retrouve, pour pouvoir définir sa stratégie de communication. Elle a besoin de connaître sa présence dans les entreprises. Elle a aussi besoin de savoir si ses produits et services sont utilisés dans les entreprises. Elle a également besoin de savoir si elle est bien perçue dans les entreprises, si ses produits et services ont une belle image… C’est à ça que sert le baromètre des banques. Elle va permettre à chaque établissement financier de se retrouver dans un système de compétition avec les autres. Il ne suffit pas d’être dans l’entreprise, mais de s’assurer que ses produits sont consommés. Ce baromètre, on a commencé par le faire deux fois par an, mais il sera désormais annuel pour permettre à ceux qui souscrivent à l’abonnement de pouvoir disposer des statistiques.

Comment votre cible a-t-elle accueillie le résultat de votre étude ?

Le document que nous avons produit va davantage être consulté. Nous avons eu un retour favorable d’un certain nombre de banques qui reste encore limité à notre avis. Nous sommes persuadés que cet outil est important. Je le dis parce que moi en tant que chef d’entreprise, mes collaborateurs, sommes impliqués régulièrement dans la définition de nos objectifs. Et je serais prêt à acheter les services d’une autre entreprise qui pourrait me dire quelle est ma position dans les entreprises, est-ce que je suis bien perçu… Nous avons eu un retour favorable d’un certain nombre de banques, mais je pense qu’elles n’ont pas encore bien compris cet outil, et nous allons faire l’effort d’aller vers elles, pour mieux expliquer ce produit, afin qu’un partenariat réel s’inspire entre elles et nous, pour que nous puissions continuer non seulement à le rendre plus performant, mais aussi utile.

L’Institut national de la statistique dans son dernier rapport sur les entreprises au Cameroun, comptabilise près de 40 000 entreprises sur le territoire. Dans votre étude, vous avez travaillé sur 400 seulement. Pensez-vous que cet échantillon soit représentatif ? Quelle a été la méthodologie de votre étude ?

Ça, c’est le problème de la statistique. Ce n’est pas le nombre qui compte, mais la qualité de l’échantillon. Avec 400, on fait une erreur de moins de 10%. Ce qui est important dans cet échantillon, c’est le fait que chaque catégorie a été représentée. Les PME, les Grandes entreprises ont été représentées, pas nécessairement par leur poids dans le système global, mais par rapport à l’intérêt des banques, qui elles ne sont pas toutes orientées vers l’ensemble des entreprises. Vous avez un nombre d’entreprises, mais les banques ne sont pas toutes dans ces entreprises. Il y a une autre catégorie d’institution financière qui très proche, ce sont les microfinances, dont on a vu l’importance dans cette étude. On a vu qu’elles sont présentes dans près de 30% des entreprises.

Cela permet de voir qu’il y a une réelle compétition aussi à ce niveau. Donc quand vous parlez de ce nombre, il y a des microfinances et des banques qui ensemble offrent des services bancaires à ces institutions. Mais nos 400 ont été pris de manière à ce que chaque catégorie soit représentée : les grandes et les petites. La matrice de redressement que nous avons appliqué à la fin de la collecte des données permet de redresser et d’avoir un résultat statistiquement fiable. Sur le plan statistique, nous pensons avoir respecté les règles de base… Donc les résultats ne souffrent d’aucune contestation sur le plan statistique.

Vous dites également dans ce document que 78% des entreprises ont plus d’une banque. Selon vous, qu’est-ce qui peut justifier cela ?

Si toutes les entreprises étaient clientes d’une seule banque, ce serait compliqué pour la banque qui porterait ça. Déjà qu’il n’y a que 18 banques aujourd’hui, et nous avons près de 40 000 entreprises. Quand vous entrez dans un marché, vous définissez un produit, vous commencez avec une banque. Pour une raison ou pour une autre, soit parce que l’entreprise a entendu que l’autre banque avait un service plus intéressant, soit parce qu’elle n’est pas satisfaite de la relation directe qu’elle a avec sa première banque, elle va ouvrir une relation dans une autre banque. Et ça ne s’arrête pas là.

Une troisième banque peut proposer un service particulier et plus intéressant que les deux autres.  Vous vous retrouvez dans trois banques. Donc la multibancarisation c’est vraiment cela. Ça permet à la banque de savoir : Je suis présente, mais est-ce que je suis active ? Est-ce qu’on consomme mes services ? Quel est le taux de consommation ? Ce sont les questions que doit se poser la banque.

Dans l’étude, vous traitez de la problématique de la dormance des banques dans les entreprises. Que peut-on comprendre par-là ?  

Nous parlons de dormance pour dire que le service ou le produit n’a pas été utilisé sur une durée d’un an. Par exemple, l’entreprise Cible dit : je suis cliente dans telle banque. Mais elle fait une année sans faire une transaction. Mais cette banque rentre dans la liste de la DSF de l’entreprise comme banque partenaire. Cette banque peut être considérée comme dormante dans l’entreprise en question. Or une banque devrait s’inquiéter de ça. Je suis présente, mais je suis dormante. Je suis présente, mais cette entreprise ne m’utilise pas. Est-ce que je suis compétitif ? Ce sont  des questions que notre document doit permettre au responsable markéting et commercial d’orienter son action. Parce que si je n’utilise pas un service, c’est soit parce que la relation est mauvaise, soit c’est les produits qui sont mauvais. Je ne peux pas laisser une banque qui offre de bons services pour aller ailleurs. C’est à la banque de se remettre en cause.

Vous dites qu’Afriland First Bank, la Bicec et SGC sont respectivement les banques les plus présentes dans les entreprises. Mais plus loin, vous indiquez que la CCA est la deuxième banque ayant un taux d’utilisation le plus élevé. Comment expliquez-vous cela ?  

 Ça veut dire que là où CCA est, on utilise ses produits. Elle n’est pas partout, mais là où elle est, ses produits sont consommés, ils ne sont pas dormants, ils sont actifs. A travers ces résultats, nous voulons montrer que ce n’est pas seulement la pénétration qu’il faut regarder, mais aussi l’utilisation. Mais, globalement, si nous regardons, Afriland First Bank a les meilleurs scores. Tant en présence, qu’en utilisation. Maintenant, il faut aussi regarder ça par rapport aux catégories d’entreprise. Pour les grandes entreprises, c’est Société Générale qui est plus présente, qui est meilleure en termes d’utilisation. Mais Afriland First Bank couvre un peu dans l’ensemble, les questionnements qu’on se pose.

Il faut préciser que ceci est un résultat global. Une banque peut s’intéresser à un résultat particulier. En ce moment-là, elle peut l’insérer dans la collecte des données, et on fera un dépouillement particulier pour la banque. Je dois signaler que le résultat qu’on produit est un résultat global du secteur. Mais chaque banque peut faire une analyse personnalisée. Et dans ces résultats, on peut juger ses performances. Le résultat global ne donne pas de cas particuliers.

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