Pouvez-vous nous parler de la genèse de cet établissement ?
Je suis né au Cameroun, j’y ai eu mon baccalauréat série C. Ensuite, j’ai fait l’Institut africain d’informatique au Gabon, avant d’intégrer l’école polytechnique de Nantes en France, où j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur. J’ai travaillé pendant près de 15 ans dans des grands groupes, où j’ai occupé des grands postes. Pendant mes expériences, j’ai pu constater la pénurie d’ingénieurs qualifiés, notamment en data, IA…
De ce fait, nous avons décidé de créer en 2018, une association, HerNes Education pour amener les étudiants africains à intégrer les grandes écoles d’ingénieurs en France à travers des formations sélectives. Par la suite, on s’est rendu compte qu’en dehors de cette association, il nous fallait un cadre bien structuré, formalisé et organisé pour mieux accompagner les étudiants africains dans ce sens-là. Voilà d’où vient l’idée de création de cette école qui est une Classe Préparatoire aux Grandes Écoles (CPGE).
Où recrutez-vous votre ressource humaine : au Cameroun ou en France ?
Les deux. 40% de nos enseignants sont français, dont certains au niveau local, et d’autres à distance, notamment pour des évaluations orales. La particularité d’une CPGE, c’est la préparation des étudiants à passer les épreuves orales aux concours auxquels ils vont participer après leur deuxième année. Nos enseignants français qui font donc ces évaluations orales sont à distance. Les 60 % restants des enseignants sont des Camerounais, surtout dans les matières scientifiques. Il faut souligner que les Camerounais sont reconnus comme étant très doués en mathématiques et en physique.
Récemment, vous avez formé une vingtaine dans les énergies renouvelables. Quel était l’intérêt de cette initiative ?
Nous avons notre partenaire, la Fondation Artelia qui nous a envoyé deux brillants ingénieurs français pour une semaine de formation de nos étudiants. Au même titre que l’Intelligence artificielle, les énergies renouvelables et la transition énergétique sont des enjeux structurants pour l’ingénieur, l’ingénieur de demain doit prendre en compte les changements climatiques dans ses procédés ; il doit prendre en compte, l’optimisation de l’énergie, qu’il soit du génie civil, mobilité ou autre. Nos étudiants ont été sensibilisés à toutes ses problématiques pour que demain, une fois sur le terrain, ils aient cette culture et qu’ils puissent mieux optimiser leurs travaux.
En mai 2025, vous avez inauguré la phase 1 de votre projet Smart’Eisam. Quelle est la finalité de ce programme ?
C’est un programme porté par le consortium HerNes Education, l’EILCO et Avenir Elect. Ce sont les trois porteurs du projet dans le cadre du dispositif Acteurs pour l’énergie en Afrique, lancé par la région Haute France, qui a cofinancé ce projet avec l’association Talents & Partage. Ce projet consistait à installer une centrale photovoltaïque à base des smart grids à l’Eisam. Donc, nous avons un dispositif qui a à peu près 22 panneaux solaires équivalent 9KVA et un système de batterie de stockage, qui nous permet de pouvoir stocker la surproduction journalière de l’électricité, et pallier les problèmes de délestage.
Pour nous, c’est important d’être autonome, et de ne pas dépendre des délestages. Ça nous permet également de faire comprendre à nos étudiants, le fonctionnement d’une centrale photovoltaïque. Sachant qu’on a une centrale qui est plutôt complexe, avec un système de backup où en cas de coupure on bascule directement sur le stockage, et si le stockage n’est pas complet, il y a le groupe électrogène qui prend le relais. Parce qu’on a un système intelligent qui sait gérer les besoins.
Avez-vous déjà les financements nécessaires pour lancer la deuxième phase de ce projet ?
Nous continuons les recherches, les sollicitations. On a la fondation Artelia qui va travailler sur le dossier pour co-financer. Mais ce ne sera pas suffisant pour couvrir nos besoins. Puisque là, nous avons de plus en plus d’étudiants et les besoins augmentent. Donc, nous continuons à chercher des financements.
L’EISAM compte rester à Douala, ou alors elle cible d’autres régions du pays ?
Pour l’instant, c’est Douala. Mais à moyen terme, ce sera au niveau national ; et à long terme, ce sera au niveau international. On a déjà beaucoup de sollicitations à l’international : au Gabon, au Sénégal, en Mauritanie, en Algérie… Même au niveau national, on a des sollicitations à Bafoussam et à Yaoundé.
Quels sont les défis que l’EISAM rencontre dans son développement et sa contribution au développement durable ?
La principale difficulté, c’est la compréhension du projet. Le concept des CPGE n’était pas connu par le grand public au Cameroun. Il y a beaucoup de personnes qui n’étaient pas persuadées qu’elles pouvaient aller étudier dans une école d’ingénieurs publique en France. Les meilleures écoles d’ingénieurs en France sont publiques. Il y a cette difficulté à être crédible aussi parce que nous ne sommes qu’à la deuxième année.
On continue à expliquer. Aujourd’hui, on travaille beaucoup sur la préparation de notre première promotion qui va passer les concours en avril. On travaille énormément là-dessus, on met tout en œuvre, on maximise les chances des étudiants. On les accompagne individuellement, les enseignants sont disponibles. On accompagne aussi les enseignants dans la façon d’enseigner dans une CPGE. On espère avoir de bons résultats qui parleront à notre place.