Madame Mabiala, votre nomination intervient après l’obtention de l’agrément de la COSUMAF, le gendarme du marché financier. Quelles sont les deux ou trois premières priorités opérationnelles que vous avez inscrites en tête de votre feuille de route en tant que DGA de L’Archer Securities ?
Ma prise de fonction intervient à un moment où L’Archer Securities consolide à la fois sa gouvernance et son positionnement sur le marché régional. Mes priorités s’inscrivent donc dans la continuité de cette dynamique.
La première consiste à renforcer notre cadre de gestion des risques et notre discipline opérationnelle. Avec un marché en pleine expansion, nous devons maintenir des standards élevés. La deuxième priorité porte sur l’optimisation de nos processus d’intermédiation et de structuration financière, afin d’améliorer la qualité de service pour nos clients publics, bancaires et corporates. Enfin, je souhaite impulser une dynamique plus forte autour de l’innovation et de la digitalisation de nos offres : automatisation des analyses, renforcement de nos capacités de modélisation et intégration d’outils d’aide à la décision au sein de nos équipes.
Vous arrivez avec une expertise pointue en Asset and Liability Management (ALM). Comment cette approche, centrée sur l’équilibre actif-passif et la maîtrise des risques, va-t-elle se traduire concrètement dans l’orientation et la gestion des activités d’intermédiation et de structuration financière de L’Archer Securities ?
L’ALM oblige à comprendre comment chaque décision financière influence les équilibres d’un bilan, et comment les risques évoluent dans le temps. Cette approche m’a appris à voir au-delà de l’opération elle-même, et à anticiper les conséquences sur la rentabilité et la résilience de l’institution.
Chez L’Archer Securities, cela se traduit par une manière de travailler qui intègre systématiquement cette lecture fine des risques dans nos opérations. Je veille à ce que l’on prenne en compte les comportements de taux, les tensions possibles sur le marché, les scénarios extrêmes… Ce sont ces éléments qui permettent de proposer des solutions réellement adaptées, et pas simplement des montages réplicables.
Avec un volume cumulé de plus de 3 000 milliards FCFA mobilisé en peu de temps, L’Archer a prouvé son efficacité sur le marché régional. Comment comptez-vous capitaliser sur ce bilan, pour concrétiser l’ambition de développer une « plateforme panafricaine » de financement au-delà de vos implantations actuelles (Brazzaville, Pointe-Noire, Malabo) ?
Ce volume mobilisé en si peu de temps montre que nous avons su créer de la confiance, et qu’il existe une véritable demande pour une ingénierie financière agile et rigoureuse dans la région. Pour aller vers une plateforme panafricaine, il faut d’abord capitaliser sur cette crédibilité en renforçant notre capacité à structurer des solutions modernes.
Ensuite, nous voulons bâtir une organisation capable de travailler de manière fluide sur plusieurs marchés. Cela signifie renforcer les synergies entre nos équipes de Brazzaville, Pointe-Noire et Malabo, mais aussi préparer une implantation progressive dans toute la zone CEMAC.
Lors de votre nomination, vous avez affirmé vouloir « soutenir les entreprises locales dans leurs besoins de financement ». Au-delà des grandes opérations souveraines ou bancaires, quelles innovations ou quels mécanismes spécifiques L’Archer Securities compte-t-elle mettre en place pour attirer et financer plus efficacement les PME/PMI de la CEMAC ?
Je crois profondément que nos entreprises locales méritent d’avoir accès à des solutions de financement qui reflètent leur potentiel. Aujourd’hui, beaucoup de PME se retrouvent face à des portes closes parce que le financement bancaire, bien qu’essentiel, ne peut pas toujours absorber leurs besoins, leurs cycles d’activité ou leurs ambitions de croissance.
C’est précisément là que L’Archer Securities peut jouer un rôle déterminant, en offrant une alternative et une autre voie d’accès au capital. Nous voulons montrer aux entrepreneurs que le marché financier n’est pas un univers réservé aux grands groupes : il peut devenir un outil à leur mesure, capable de financer un développement, une extension de capacité, une modernisation, un besoin de trésorerie stratégique
C’est pourquoi nous travaillons sur des mécanismes plus souples et plus progressifs. Mais au-delà de l’ingénierie, il y a une vision, celle de donner aux PME la possibilité de diversifier leurs sources de financement, d’être moins dépendantes d’un seul type de partenaire financier, et de bâtir une trajectoire plus solide et plus résiliente.
Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes professionnelles africaines qui aspirent à ces hautes fonctions dans ce secteur traditionnellement masculin ?
Je veux leur dire de ne jamais douter de leur légitimité. Le secteur financier peut parfois intimider, mais il ne fonctionne pas différemment des autres. Il récompense la compétence et la rigueur. Rien ne doit les empêcher de se projeter dans des fonctions de direction si elles en ont l’ambition.
Je les encourage aussi à se former continuellement, à chercher des environnements où elles peuvent apprendre, et à ne pas avoir peur de sortir de leur zone de confort. Les opportunités ne viennent pas toujours au moment où on les attend, mais il faut être prête lorsqu’elles se présentent. Et surtout, je veux leur dire que notre présence dans ces fonctions compte. Chaque trajectoire ouvre un peu plus la voie pour celles qui arriveront après.
