L’Algérie abrite du 4 au 10 septembre 2025, la 4ème édition de la foire commerciale intra-africaine. Quel est le sens que vous donnez à cet événement ?

Le sens que je donne à cet événement, c’est la volonté du Continent africain de prendre son destin en main, de travailler avec des coopérations renforcées sur le plan économique, de s’émanciper des tutelles historiques et de faire en sorte que l’Afrique soit plus forte, plus indépendante, plus libre au service des peuples africains.

L’Afrique a un potentiel considérable en matière de ressources.  Ressources gazières, pétrolières, minières, mais l’Afrique a souvent été exploitée. Il y a une forme de néocolonialisme qui a été, je dirais, poursuivi par les anciennes puissances coloniales.

Avec un évènement comme la Foire commerciale intra-africaine 2025, l’Afrique envoie un signal fort. Nous voulons mettre en place des relations sud-sud, des coopérations, être unis, soudés, plus solidaires, et faire en sorte que nous soyons dans une relation gagnante-gagnante sans aucune rancœur avec les anciennes puissances coloniales. Mais quand je dis relation gagnant-gagnant, ça veut dire égal à égal, basé sur la confiance, le respect mutuel.

On ne peut plus, aujourd’hui, laisser des investisseurs étrangers investir en Afrique, produire en Afrique, et puis faire partir les capitaux, ne pas servir les peuples, la jeunesse africaine. Celle-ci doit trouver son bonheur en Afrique, chez elle. Et ça, c’est le signal aussi de l’IATF, avec 2 000 exposants, 35 000 visiteurs…

Le business, la force économique, permet aussi d’être plus libre, de s’émanciper, de créer de l’emploi, de créer un avenir, des perspectives pour une jeunesse. Et c’est fondamental. Moi, je suis très fier de voir cet événement, pour la quatrième édition, se dérouler à Alger, parce que l’Algérie a toujours porté cette voix, ce message, comme d’autres pays africains, qui sont sortis de la colonisation par la douleur. On parle beaucoup de commerce intra-africain, mais on se rend compte aujourd’hui que des barrières existent toujours en Afrique.

Qu’est-ce qu’il faut faire pour que ce commerce intra-africain puisse véritablement décoller de manière concrète au-delà des discours ?

Il faut regarder ce qu’a fait l’Union européenne. Ils ont créé une zone de libre-échange avec des directives qui ont permis de favoriser des politiques communes, par exemple. Donc il faut aller vers des politiques communes. Si on avait une politique agricole commune africaine, par exemple, on pourrait être dans l’autosuffisance alimentaire très rapidement et puis devenir une puissance exportatrice.

Sortir de la dépendance

Le continent africain ne peut pas être dépendant des produits fabriqués en Asie, en Europe, aux États-Unis. Il faut que ce soient les autres continents qui dépendent des produits fabriqués en Afrique. Il est temps de se donner les moyens de créer des infrastructures, de créer une stratégie logistique. On a investi sur la jeunesse africaine, mais le problème c’est que cette jeunesse quitte les pays africains pour aller trouver son bonheur ailleurs.

Ce potentiel, ces cerveaux africains qui sont formés, dans les universités africaines, dans les écoles africaines, qui sont des écoles de qualité, des universités de qualité doivent être encadrés. Mais pour qu’ils restent en Afrique, il faut des perspectives, des opportunités d’emploi, de financements des projets. Et pour qu’il y ait des perspectives, il faut des investissements partagés.  Il faut que l’Union africaine fasse un peu comme l’Union européenne. Mettre en place des politiques communes dans les secteurs prioritaires (agriculture, infrastructures, énergie…), accélérer la mise en œuvre de zone de libre-échange continentale africaine et travailler pour impulser la coopération Sud-Sud. 

Il faut par exemple que l’Algérie et un autre pays africain aient de l’intérêt à travailler ensemble, plus que de travailler avec un pays d’un autre continent. Pour y arriver les États doivent mettre en place des conditions attractives sur le plan fiscal, sur le plan législatif, des mécanismes budgétaires partagés. Je pense que cette démarche, si elle est explorée, fera du continent africain un continent incontournable en matière de production, d’ici quelques décennies.

Ça peut aller très vite qu’on ne le pense, puisqu’ en termes de démographie, on sait qu’elle est galopante, la démographie africaine.

18% de la population mondiale est africaine. Dans 50 ans, ce sera 30% de la population mondiale qui sera africaine. Dans 75 ans, on aura un habitant sur trois de la planète qui sera africain. Comme pour dire que nous avons des consommateurs. Maintenant, il faut produire et mettre en place des infrastructures pour atteindre ces consommateurs. Il faut avoir des offres et des perspectives d’emploi pour ces consommateurs. Et on doit le faire avec un modèle africain qui n’est pas automatiquement le modèle mis en place par l’Occident, par les Etats-Unis.

On doit créer notre propre modèle de développement. Et pour le faire, il faut associer la diaspora. Aujourd’hui, la diaspora africaine est installée partout dans le monde et rayonne sur le plan culturel, économique et scientifique, entre autres. Les diasporas africaines doivent aussi mettre leurs compétences dans divers domaines au service de l’Afrique.

Propos recueillis par Hervé Fopa Fogang, envoyé spécial en Algérie

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