Le 30 avril 2025 était la date butoir pour les acteurs du secteur extractif, en particulier les producteurs de pétrole, de se conformer à cette nouvelle exigence de la réglementation de changes, désormais en application dans la zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale).
En session extraordinaire le 16 décembre 2024 à Yaoundé, au Cameroun, la Conférence des Chefs d’Etat a réaffirmé « l’application intégrale de la Réglementation des changes, notamment à travers le rapatriement diligent des devises par les opérateurs économiques, et plus particulièrement la signature avant le 30 avril 2025, des conventions de compte séquestre pour les fonds de restauration des sites (Fonds RES) par les entreprises extractives (pétrolière et minières) ». Statu quo au 30 juin 2025, c’est-à-dire deux mois après l’échéance, selon Yvon Sana Bangui, Gouverneur de la Beac.
Lors de la deuxième session du Comité de politique monétaire de la Banque des Etats de l’Afrique centrale, il a souligné « notez juste que nous n’avons pas pu conclure les discussions à la date prévue par les chefs d’Etat ».
Sur la question il a indiqué, pour le déplorer, « les chefs d’Etat de la Cemac nous ont soutenu pour donner une date ferme, le 30 avril 2025, afin que tout le secteur extractif soit tenu de rapatrier (les fonds de réhabilitation des sites miniers exploités NDLR). Cette date devait contraindre tout le secteur extractif, en particulier le secteur pétrolier. Vous avez certainement suivi cette exigence des pétroliers à réclamer comme condition sine qua none, le renoncement de la banque centrale à sa souveraineté et les discussions à ce jour se poursuivent ».
Il va poursuivre en indiquant qu’« après l’expiration de la date du 30 avril nous avons eu une autre réunion avec les pétroliers. Ils sont désormais d’accord de ne pas toucher à l’immunité de la banque centrale, mais nous proposent que l’argent n’entre pas à la Beac, qu’il soit plutôt domicilié dans un compte à l’extérieur. Nous sommes sur ce point qui doit faire l’objet des échanges au niveau communautaire avant de repartir vers les pétroliers ».
Sauf que, la résistance à cette exigence est un important manque à gagner pour la Communauté.
Repli du niveau de réserves de change
C’est une projection effectuée récemment par la Banque centrale. Elle prévoit un repli du niveau de réserves de change à 3,2%, soit 7 063,2 milliards FCFA au 31 décembre 2025. Ce qui correspond à un taux de couverture extérieure de la monnaie de 72,7%, après 74,9% à fin 2024 et un niveau des réserves en mois d’importations de biens et services à 4,51 contre 4,67 en 2024. Pour justifier cet état des choses, Yvon Sana Bangui a évoqué les emprunts contractés par les Etats de la Communauté à l’international, le faible rapatriement des fonds liés aux exportations et les importations qui ne cessent de progresser.
D’après la Direction des études de la recherche et des statistiques de la Beac, si les fonds de restauration des sites miniers étaient normalement rapatriés, la Cemac gagnerait jusqu’à 3 658 milliards FCFA et cela renforcerait le niveau de réserves de change « et donc la stabilité externe de la monnaie commune qui est le FCFA ».
Cependant, les opérateurs continuent de contourner la réglementation. Notons que jusqu’en décembre 2024, les devises rétrocédées à la banque centrale avaient presque doublé, depuis l’entrée en vigueur en 2019, de la nouvelle réglementation de change. Elles sont en effet passées de 6 201 milliards de FCFA en 2019 à 11 946 milliards de FCFA en 2022, selon les données de la Beac. La progression a culminé en 2023 avec l’application dudit règlement aux entreprises du secteur extractif qui, en 5 mois seulement, ont rétrocédé 765 milliards de Fcfa à la Cemac, soit 10 % des réserves de changes.
Cette année-là, d’après le rapport sur la politique monétaire de la Beac, les réserves de change étaient en augmentation. 6 863,0 milliards de FCFA, soit une hausse de 1,4% sur un an. Une dynamique adossée sur les efforts de rapatriement des recettes d’exportation, notamment l’augmentation des rétrocessions des devises par les banques primaires pour le compte de leur clientèle du secteur extractif autorisée à détenir des comptes en devises.