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Performance durable des PME camerounaises : Et si la qualité de la vitalité du dirigeant était au centre de cet exercice ?

Selon l’INS dans le RGE de 2016, le taux de mortalité des PME au Cameroun est de 8 sur 10 tous les 5 ans. Ce qui signifie concrètement que toutes choses restant égales, sur 10 PME créées cette année 2022, seules 02 seront encore en vie en 2028, soit un taux de survie de 20 %. 

Dans cet article, nous nous intéressons aux conditions de performance que réunissent ou devraient réunir les entreprises qui durent ou veulent durer au-delà de la cinquième année. Nous voulons relever l’extrême nécessité d’intégrer dans la problématique de l’évaluation de la performance à moyen et long terme des entreprises en général et des PME camerounaises en particulier au-delà de la rentabilité économique et financière, d’autres variables qualitatives et quantitatives qui mesurent la capacité de l’entreprise à perdurer après de grosses perturbations internes et/ou externes. Le Système de Management de la Continuité d’Activités (SMCA) à travers la norme ISO 22301 aborde certaines de ces variables. Dans cet article, nous nous intéressons uniquement au cas du dirigeant de la PME et nous montrons que la qualité de la vitalité de ce dernier, devrait être un facteur essentiel dans l’analyse de la performance  à moyen et long terme de la PME  

1.   La PME performante aujourd’hui avec de bons ratios de rentabilité économique et financière, mais morte le lendemain à la suite d’une Perte de Vitalité (PV) de son dirigeant  

Parmi les multiples définitions de l’entreprise disponibles nous avons choisi celle qui la définit comme un Système (ensemble d’éléments organisés pour un but, objectif, finalité) et ce système « entreprise » est en outre un système économique et social.

C’est un système économique parce qu’elle produit de la richesse sous forme de valeur ajoutée qui est redistribuée aux parties prenantes en termes de dividendes, revenus directs et indirects, frais financiers, impôts et taxes diverses, etc. Rappelons que c’est la somme des valeurs ajoutées des entreprises qui constituent le PIB de la nation et c’est certainement la raison pour laquelle l’Etat accorde ou devrait accorder une considération particulière aux hommes et femmes entrepreneurs sans lesquels un développement économique et social harmonieux d’une nation ne serait pas possible

C’est aussi un système social parce que l’homme, directement ou indirectement à travers les parties   prenantes (salariés ; clients ; les banques l’Etat, les fournisseurs, la famille au sens large du dirigeant, etc.).  Même si le bien mis sur le marché   est nuisible à une partie de la communauté à l’exemple des armes et des munitions, l’entreprise se développera tant qu’il y aura des acheteurs

Tout système a un but ou une finalité : Celle retenue pour l’entreprise privée par les différents spécialistes du domaine est : Faire du profit ; et le principal critère de performance retenu est celui de la rentabilité (qu’elle soit économique ou financière). Cette rentabilité peut être mesurée à travers plusieurs soldes ou ratios allant de la valeur ajoutée au résultat d’exploitation qui tous mesurent le profit à la date ou ces soldes sont calculés. Prendre le profit comme critère de mesure de la performance économique nous semble réducteur pour appréhender tous les contours de la performance économique ou financière des PME.

Pour évaluer la performance de l’entreprise notamment de la PME, retenir le critère essentiellement quantitatif nous semble fortement limitatif car on pourra facilement retrouver une entreprise présentant un taux de rentabilité élevé en décembre 2022 et qui pourrait enregistrer un taux de rentabilité relativement plus faible en décembre 2023 au point de conduire celle-ci à la cessation d’activité en décembre 2024. Ceci pourrait notamment s’expliquer  par une performance mesurée par le taux de rentabilité qui  ne prend pas en compte l’ensemble des facteurs de vitalité de l’entreprise, facteurs indispensables pour sa pérennité et sa performance sur le moyen et long terme et particulièrement la vitalité du dirigeant. Plus simplement, la vitalité est l’énergie, la force, la vigueur ou le dynamisme nécessaires pour conduire différentes activités et produire des résultats nombreux et importants. Les synonymes sont nombreux et traduisent la même réalité : ardeur, allant, dynamisme, entrain, joie de vivre, tonus, vigueur, etc. La vitalité est donc un stock d’énergie pouvant être augmenté par des facteurs tels que l’hygiène de vie, l’état de santé mentale, l’état de santé physique, l’intensité de la spiritualité ou encore diminué par les différents stress provenant des environnements de l’entreprise  de ses  publics et  parties prenantes .

  Dès lors on comprend que la vitalité du dirigeant de la PME est ou devrait être un critère de premier rang dans l’évaluation de la performance durable des PME ; Parce que, contrairement aux grandes entreprises, les dirigeants des PME sont le plus souvent propriétaires. Dans ces conditions, les dirigeants en tant que propriétaires (majoritaires d’actions) sont au centre de la gestion de l’entreprise. De ce fait, la vitalité ou encore la santé (physique, mentale, psychologique, spirituelle) apparaît comme un facteur critique de performance durable. L’évaluation de la performance durable devrait donc intégrer la variable VITALITE du DIRIGEANT qui sera estimée ou appréciée en fonction du niveau de sa capacité   démontrée ou affichée à résister, et à surmonter les différents soucis personnels et autres tracasseries diverses, en relation avec le management de son entreprise. 

2.    La qualité de la vitalité du dirigeant : Un facteur clé de la performance durable de la PME pas suffisamment pris en compte par   les différents analystes de risques

Y-t-il une corrélation positive entre la performance à moyen  long terme de la PME et la qualité de la vitalité du dirigeant ?   Nous le pensons sérieusement, notamment à la suite de la norme ISO 22301, la première norme internationale de gestion de continuité des activités, qui a été développée pour aider les organisations à minimiser les risques liés à une situation de crise. L’ISO a ainsi lancé en 2012 la norme ISO 22301, « Sécurité sociétale – Systèmes de Gestion de la Continuité des Activités – Exigences », qui est devenue le nouveau standard pour la gestion de la continuité des activités. Cette norme présente des dispositifs à mettre en place pour permettre d’améliorer la situation en matière de continuité d’activité

Les exigences spécifiées dans la norme ISO 22301 sont génériques et prévues pour s’appliquer à toutes les organisations, indépendamment du type, de la taille et de la nature de l’organisation. Elle est très utile notamment pour la PME, qui est au centre de multiples chocs tant exogènes qu’endogènes et qui la rend fragile au quotidien. En effet le SMCA analyse les risques éventuels pouvant conduire à la non-activité de l’entreprise et propose un plan de continuité des fonctions essentielles de l’entreprise pendant et après un évènement qui pourrait fragiliser l’entreprise de façon significative au point de la conduire à l’arrêt des activités (perte d’un client important, démission d’une ressource de premier rang, indisponibilité d’un manager central, incapacité d’accéder aux ressources de l’entreprise suite à un incendie ou une catastrophe,). Cependant elle ne met pas suffisamment l’accent sur la  diminution éventuelle de la capacité du dirigeant ou du promoteur à assurer ses fonctions.

En effet, dans l’analyse des risques de non continuité  la norme ISO 22301 examine ,les aspects, marché, organisation, data, mais accorde une faible importance  à la vitalité du dirigeant . Les banquiers les plus courageux exigent une police d’assurance pour couvrir le risque de maladie ou de décès. Les experts-comptables plus timides, clôturent les comptes de l’exercice déficitaire ou excédentaire, en s’appuyant sur le principe de la continuité de l’exercice.   Dans tous les cas, il faut bien noter que chaque jour, le dirigeant de la PME est sous une forte pression qui use ses nerfs et met à rude épreuve sa vitalité. Au Cameroun en particulier, les propriétaires dirigeants des PME travaillent dans un environnement chaotique avec de multiples stress qui dégradent fortement leurs vitalités. Chaque jour qui passe, le dirigeant de la PME est le sujet de nombreux stresseurs susceptibles de détériorer sa vitalité ou meme sa santé

L’administration fiscale et sociale, principaux agents stresseurs du dirigeant de la PME

Concernant les Impôts, l’administration fiscale qui devrait se comporter comme un partenaire, se transforme en répresseur impitoyable.  A chaque mission de contrôle fiscal, le dirigeant de la PME est considéré d’office comme un fraudeur. La PME qui a pris le risque de passer du secteur informel au secteur formel, n’a pas souvent les moyens de sa payer les services d’un conseiller en fiscalité et/ou en comptabilité pouvant l’accompagner lors des rencontres avec l’administration fiscale, Le dirigeant   est impuissant devant les cas d’abus   de certains contrôleurs. Et quand bien même il voudrait contester le montant du redressement, il   n’a pas les ressources financières pour faire les recours qui sont par ailleurs très longs et pénibles à suivre.

S’agissant de la CNPS, cette organisation qui fonctionne à partir de la cotisation des chefs d’entreprise a assez peu de considération pour les dirigeants des PME Le conseil  ou l’assistance est pratiquement oublié  . Les taxations d’office sont le mode privilégié de contrôle.  Les mises en demeure, assorties de pénalités de retard, sont permanentes.   Les grandes entreprises et les PME sont maltraitées de la même manière ; alors que la PME a très peu de voies de recours, la grande entreprise a de la trésorerie pour payer le montant minimum exigé pour solliciter un recours.

Le stress du dirigeant de la PME de la part des donneurs d’ordre, est encore plus grave. Ces donneurs d’ordre, peut etre inconsciemment sont devenus des donneurs de la mort lente ou plus exactement de la perte de vitalité des dirigeants de PME. Dans notre contexte, tous les donneurs se comportent de la même façon, c’est-à-dire sans aucun respect pour les sous-traitants. Avec toutes les PME, ces donneurs d’ordre travaillent sur la base de contrats d’adhésion et pas du tout de contrats de partenariat Le donneur d’ordre qui a un pouvoir de négociation élevé, fixe les conditions unilatéralement. La PME accepte pour ne pas perdre le marché. Alors que la PME s’efforce à respecter des conditions fortement contraignantes, notamment au niveau des délais et de la qualité des prestations, le donneur d’ordre ne respecte pas les siennes et particulièrement le respect des délais de paiement.  En définitive, ce sont les PME qui financent les grandes entreprises, en s’endettant à des taux usuriers pour financer et livrer les travaux commandés par les grandes entreprises. Face à cette situation fortement risquée pour les PME, il y aurait urgence pour l’Etat de légiférer sur les délais de paiement ; mais quand on sait que l’Etat lui-même ne se comporte pas en « bon payeur », le chemin est encore long.

Un autre stress qui tue à petits feux le dirigeant de la PME est celui des banques. En effet, les banques camerounaises prêtent rarement aux PME et quand elles le font, les conditions sont draconiennes et le dirigeant est sous forte pression car souvent ce n’est pas la rentabilité prévisionnelle de l’entreprise qui est la principale garantie, mais son patrimoine personnel. Dès lors, comment ne serait-il pas  stressée quand la maison dans laquelle le patron de la PME vit avec sa famille, a été mise en garanti et que le taux global du crédit a fortement détérioré la rentabilité et la croissance de sa PME ?

En définitive, si le but de l’entreprise privée, notamment de la PME, est donc de faire du profit de façon durable, nous ne pouvons pas limiter l’indicateur de performance à la rentabilité, car celui-ci ne prend pas en compte, les facteurs essentiels liés à la vitalité de l’entreprise en général et de son dirigeant en particulier.  La capacité d’une entreprise à rester performante sur le long terme dépend fortement de la qualité de la vitalité des ressources humaines en général et de son dirigeant en particulier.

Par  Dr FANSI Théodoret-Marie, PDG du Groupe Cible

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