Face à la flambée des coûts mondiaux des céréales, Boissons du Cameroun (SABC), bras armé du géant français Castel, trace sa voie vers l’autonomie. La société brassicole a confirmé son objectif de collecter 12 000 tonnes de sorgho produit localement en 2025, contre 8 000 tonnes en 2024. Cette offensive s’ancre dans une doctrine d’import-substitution qui gagne en urgence, alors que le Cameroun cherche à juguler sa facture annuelle en matières premières étrangères, estimée à des centaines de milliards de FCFA pour les seuls produits brassicoles.
L’élément déclencheur de cette augmentation est l’acquisition en 2023 de Guinness S.A., ex-filiale du britannique Diageo, pour un pactole dépassant les 300 milliards de FCFA. Cette emplette n’a pas seulement consolidé la domination de la SABC sur le marché des boissons (plus de 80 % des parts), elle a aussi hérité d’un réseau de fournisseurs de Sorgho déjà rodé, que l’entreprise a promptement élargi.
Selon un expert du ministère camerounais de l’agriculture, « ces alliances, forgées dans le Nord et l’Extrême-Nord, transforment les champs en remparts contre les chocs climatiques et les hausses de prix globaux », soulignant la résilience du sorgho face aux sécheresses locales. Pour soutenir ce virage, une enveloppe de 200 milliards de FCFA est déployée sur cinq ans, avec au menu la pose de trois nouvelles unités à Yaoundé, Garoua et Bafoussam. Ces sites boosteront la transformation locale, en gonflant la demande pour le sorgho et le maïs issus des terroirs de Mayo-Tsanaga, Mayo-Kani, Mayo-Danay et Bénoué. Des zones où plus de 1 500 exploitants, via des coopératives comme Cropsec, voient leurs revenus grimper de 20-30 % grâce à des contrats sécurisés.
Ces liens, qui intègrent semences améliorées et formations, ne se contentent pas de dynamiser l’arrière-pays : ils forgent une souveraineté céréalière alignée sur le Plan Intégré d’Import-Substitution Agropastoral (PIISAH), visant à doper la production nationale pour épargner des devises précieuses. Stéphane Descazeaud, à la tête de la SABC, martèle : « Le sorgho et le maïs tissent un écosystème inclusif. En misant sur le local, nous soudons agro-industrie et campagnes pour un essor pérenne ».
Cette vision, qui génère déjà des emplois directs et indirects pour des milliers de ruraux, s’inscrit dans la grande bascule industrielle du pays, où la bière locale devient un pilier économique et un rempart contre les turbulences mondiales. Ces 12 000 tonnes de Sorgho visées pourraient bien symboliser le premier pas vers une indépendance brassicole totale.
