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Emmanuel Noubissie Ngankam : « La SNI est désormais placée au cœur du développement économique et industriel du Cameroun »

(Leconomie.info)   L’Analyste économique et Ancien haut fonctionnaire de la Banque mondiale parle dans un entretien exclusif au quotidien l’Economie, de ce qui change avec la transformation de la Société nationale d’investissement en société à Capital Public, avec l’Etat comme unique actionnaire. Il revient également sur le type de manager qu’on devrait avoir à la tête de cette structure.

Le président de la République a signé le 10 juillet 2024, un décret portant transformation de la société nationale d’investissement (SNI) en société à capital public, avec l’Etat comme unique actionnaire. Est-ce que pour vous c’est une bonne nouvelle ?

En août 2022, j’ai publié une tribune dans laquelle j’avais d’une part fait le constat de ce que la SNI dans son fonctionnement d’alors ne répondait plus aux exigences de l’heure et s’était écartée des missions que lui avaient assignées les pères fondateurs et d’autre part, j’avais plaidé pour une réforme en profondeur de la SNI.  Le décret du 10 juillet 2024 est incontestablement une avancée majeure dans la redéfinition des missions de la SNI dont la faillite aurait dû être actée depuis la fin des années 80. Elle était devenue une entreprise rentière vivant de dividendes de ses participations minoritaires dans des entreprises privées telles que SABC, SOCAVER, SEMC-Tangui, CIMENCAM, SOSUCAM, SIC-CACAO, SAFACAM etc.

La SNI a désormais pour mission de mobiliser et d’orienter des financements en vue de favoriser l’investissement productif notamment dans les secteurs industriels, agricole, minier, financier, commercial et les services. Cette entreprise va également réaliser des études de projets industriels, octroyer des visas préalables de viabilité économique et financière pour toute intervention, contribution ou subvention de l’Etat dans les projets industriels émanant du secteur privé entre autres. Est-ce que le Président de la République n’a pas donné trop de pouvoir à la SNI ?

Certes les missions de la nouvelle SNI sont à large spectre, mais le positionnement stratégique de la nouvelle entité est une avancée majeure dans l’écosystème économique camerounais. Cette entité vient combler un vide notamment en ce qui concerne la conception et la mise en œuvre de la stratégie de développement économique et industriel du Cameroun.

Qu’est ce qui change fondamentalement et quel rôle doit désormais jouer la SNI dans le développement économique du Cameroun ?

Ce rôle est consubstantiel aux changements contenus dans le décret du 10 juillet 2024. Ces changements sont systémiques et de plusieurs ordres :

·         Le premier changement est la forme juridique de l’entreprise. D’Etablissement Publique à caractère industriel et commercial, la SNI devient une Société à Capital public. C’est une évolution majeure au regard des lois 010 et 011 du 12 juillet 2017 sur les Etablissements Publics et les Entreprises publiques au Cameroun.  La SNI devient donc une personne morale de droit privé, dotée de l’autonomie financière et d’un capital-actions intégralement détenu par l’Etat. Ce changement consacre également l’arrimage de la nouvelle entité à l’acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique

·         Le second changement majeur est l’objet de l’entreprise. L’article 2 des nouveaux statuts de la SNI est assez édifiant. Le spectre des compétences de la nouvelle entité est extrêmement vaste ce qui fait de la SNI non seulement l’investisseur institutionnel de l’Etat mais également son cabinet d’études-conseils. En outre elle est le creuset où se conçoit et met en œuvre la stratégie de développement économique et industriel du Cameroun.

A cet effet, l’un des faits marquants est le changement de tutelle technique qui passe du Ministère des Mines de l’Industrie et du Développement Technologique au Ministère de l’Economie. La SNI est ainsi placée au cœur de la politique de développement économique du Cameroun. L’église a été replacée au centre du village.

·         Le troisième changement est l’absorption par la nouvelle entité des avatars de la période des ajustements structurels notamment : la Commission Technique de Réhabilitation des Entreprises publiques et le la Commission Technique de Privatisation et de Liquidation des entreprises du secteur public.

·         On pourrait également évoquer d’autres innovations notamment en ce qui concerne la capacité financière, le mode de financement des investissements et la gouvernance de la nouvelle SNI.

Cela dit, je suis persuadé que l’ouverture du capital de la SNI à des investisseurs privés aurait eu une plus-value. Une Société d’économie mixte dans laquelle le secteur privé serait actionnaire minoritaire aurait été un signal fort dans l’optique de l’attrait de l’investissement privé dont le Cameroun a tant besoin. La présence d’un représentant du patronat au sein du Conseil d’Administration comme le prévoit le décret est une bonne chose, mais l’ouverture du capital aurait été mieux.

Quel est le profil du manager qu’il faut à la tête de cette structure pour mener à bien ces différentes missions ?

La nouvelle entité devrait être dirigée par une équipe constituée d’hommes et de femmes hautement compétents, ayant le sens de l’intérêt générale, porteurs de valeurs éthiques et morales irréprochables et capable d’indépendance notamment vis-à-vis des considérations politiques. Une bonne expérience du secteur privé serait un indéniable atout. Le choix de ces hommes et de ces femmes sera un indicateur de la volonté de l’Etat de sortir du schéma classique de désignation des dirigeants des entreprises publiques. Le succès de la réforme en dépend.

Avec le décret présidentiel, sont dissouts, la Commission technique de Réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR), la Commission technique de privatisation et de liquidation des entreprises du secteur public et parapublic (CTPL) et le Bureau de mise à niveau des entreprises (BMN). Que deviennent les dirigeants de ces différentes structures ainsi que ceux qui y travaillent ?

Sans être secondaire, le problème des personnels des entités dissoutes est second. Les personnels compétents n’ont pas de souci à se faire ; et puis pour l’essentiel, ces personnels sont des agents de l’Etat.

Propos recueillis par Hervé Fopa Fogang

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