Ange Ngandjo : « Le rapport ITIE 2022 n’aide pas le Cameroun »  - L'Economie - Actualité économique, Cemac, Afrique

Le 11 Mars 2025, le public camerounais et international, a pris connaissance du RAPPORT ITIE 2022 de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) au Cameroun. Celui-ci est publié après que le pays ait été suspendu le 1er Mars 2024 du processus ITIE « jusqu’à sa prochaine validation », ceci huit mois après que le Cameroun ait été inscrit sur la liste grise du GAFI (Groupe d’Action Financière) le 23 Juin 2023, et que le pays face à son retard de publication conforme de ce rapport le 31 Décembre 2024, ait demandé à l’ITIE par la voix du Ministre des mines, de l’industrie et du développement technologique, un délai supplémentaire de dix (10) semaines pour publier ce rapport le 07 Mars 2025.

Bien qu’elle soit tardive, on peut se réjouir de la publication de ce rapport, car il faut toujours apprécier les efforts, mais nous ne devons pas oublier que le Cameroun n’est pas encore sorti de l’auberge.  il demeure sous la menace d’une suspension pour retard de publication du rapport de 2023 qui devait être publié normalement en 2024, si non au plus tard le 31 Décembre 2025, conformément à l’Article 2 (portant Échéances de divulgation et de déclaration) de la partie 2 (portant Supervision et Validation par le Conseil d’administration de l’ITIE) de la NORME ITIE 2023, qui stipule que « … les données publiées ne doivent pas être antérieures à l’avant-dernier exercices comptables écoulés (par exemple, les informations relatives à l’exercice financier se terminant le 31 décembre 2023 doivent être publiées au plus tard le 31 décembre 2025)… ». Et quand nous voyons le temps qui a été pris pour produire ce rapport 2022, il est fort probable que celui de 2023 ne soit pas disponible dans les temps et encourage l’ITIE à maintenir le pays sous suspension ou en cas de levée de la suspension, le suspende à nouveau dès Mars 2026.

Des avancées remarquables en matière de propriété effective de la part du Cameroun sont à saluer, car ce rapport ITIE 2022 nous a permis de savoir qui sont les principaux, si non les plus grands bénéficiaires du secteur pétrolier camerounais, notamment la Chinela Russie et un français identifié au nom de M. Perrodo François.

De même en matière de transparence, il nous a fait découvrir que, des dix-neuf (19) sociétés extractives de droit camerounais sur lesquelles s’appuie en grande partie ce rapport, et dont les états financiers ont été utilisé pour la rédaction de ce rapport ITIE 2022 :

– Seules quinze (15) ont soumis un formulaire de déclaration, les quatre (04) autres ne se sont pas senties concernées par la nécessité de la mise à disposition de ces formulaires ;

– Sur ces dix-neuf (19) sociétés, seules trois (03) ont présenté des états financiers audités de l’exercice 2022 ;

– Sur ces dix-neuf (19) sociétés, seules trois (03) ont présenté des états financiers certifiés de l’exercice 2022 ;

– Sur les quinze (15) sociétés ayant soumis un formulaire de déclaration, six (06) de ces formulaires n’étaient pas signés ;

– Sur les quinze (15) sociétés ayant soumis un formulaire de déclaration, dix (10) de ces formulaires n’étaient pas certifiés ;

Face à ce constat, il est approprié de se demander sur quelle base ces entreprises ont payé leurs impôts de l’exercice 2022 ? Et sur quelle base reçoivent-elles des financements des institutions bancaires depuis 2023 en absence d’états financiers certifiés de 2022 ? Aussi de constater que ce rapport ITIE 2022 est qualifiable d’irrégulier, vu que les éléments sur lequel il est fondé sont irréguliers majoritairement.

Tout ceci expose une situation fort dommageable pour le Cameroun et son développement. Et c’est triste quand on se rappelle que le 31 Décembre 2024, lors de son traditionnel discours à la nation, le Chef de l’État, Paul BIYA a dit miser sur les ressources financières de ce secteur pour réaliser nos projets de développement.  « Les perspectives de développement du riche potentiel dont nous disposons dans le secteur minier sont, elles aussi, porteuses d’espoir. Le démarrage de l’exploitation des gisements de fer de Kribi-Lobe, Bipindi-Grand Zambi et Mbalam-Nabeba est imminent. C’est aussi le cas de la bauxite de Minim-Martap, dont la convention d’exploitation a été signée au mois de juillet dernier. Je suis persuadé par ailleurs que la maîtrise des circuits de commercialisation de nos minerais, va accroître le volume des ressources financières nécessaires à la réalisation de nos projets de développement » soulignait-il.

Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre Chef du gouvernement (Joseph Dion Ngute Ndlr), lorsque des entreprises de ce rang, ne produisent pas des états financiers certifiés hors des délais prescrits par la loi, qu’est ce qui garantit leur régularité, leur transparence, leurs éthiques et déontologie en matière de bonne gouvernance aux investisseurs sérieux intéressés par la destination Cameroun, afin qu’ils puissent prendre la décision d’investir au Cameroun ? Rien chères autorités ! Vous devez le savoir respectueusement, qu’au regard des faits établis par ce rapport, tout laisse à croire que le Cameroun ne veut que traiter majoritairement avec des mafieux et c’est dangereux pour notre avenir.

Ça donne davantage raison à la Chambre des comptes de la Cour Suprême du Cameroun qui dans son rapport 2024 après délibération en Chambre du Conseil à sa séance du 15 Octobre 2024, a émis une opinion défavorable sur le Compte Général de l’État (CGE) pour l’exercice 2023 en ces termes : « La chambre des comptes certifie, qu’en raison de l’importance des questions décrites dans la section Fondement de l’opinion défavorable de son rapport, les états financiers ci-joints ne sont, dans tous leurs aspects significatifs, ni réguliers, ni sincères et ne donnent en conséquence pas l’image fidèle du patrimoine et de la situation financière de l’État, conformément aux règles et normes comptables de l’État ». Une situation de non-conformité de l’État du Cameroun face aux règles et normes comptables qu’il a lui-même érigé.

Aussi,  Monsieur le Président de la République, bien que le 31 décembre 2024, vous ayez dit être persuadé  que la maîtrise des circuits de commercialisation de nos minerais, va accroître le volume des ressources financières nécessaires à la réalisation de nos projets de développement, je voudrais vous rassurer de ce que même en cas de maitrise de ces circuits, si le Cameroun demeure sur la liste grise du GAFI, du fait d’un faible et insignifiant engagement dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et la lutte contre la corruption, il n’en sera rien, car cette présence sur la liste grise décourage les partenaires sérieux souhaitant commercer avec le Cameroun, la seule raison étant que, traiter avec le Cameroun inscrit sur liste grise, augmente leurs difficultés de conformité, dont le coût de leurs opérations d’importation depuis le Cameroun.

Toutes ces réalités Monsieur le Président, ne vous aide pas dans la matérialisation de votre politique de développement, ni le Cameroun dans ses aspirations de développement économiques et infrastructurel.

Travailler pour sortir le pays de l’impasse

Le gouvernement camerounais doit davantage travailler ardemment, pour nous sortir de cette impasse. De même, combattre de toute son énergie les lenteurs administratives et le manque de transparence qui font en partie que les investisseurs traitent nos autorités de pas sérieuses et nous mettent dans de telles situations. Car comment comprendre qu’après la lettre N° A436 du 27 Septembre 2023, du Ministre d’Etat, Secrétaire Général à la présidence de la république au Secrétaire Général des services du Premier Ministre, dont l’objet était « Révision du projet de décret portant création, organisation et fonctionnement du Comité de suivi de la mise en œuvre de l’Initiative pour la transparence dans les  Industries Extractives (ITIE) » ; et le décret N°2024/00165/PM du 31 Janvier 2024, du Premier Ministre Chef du Gouvernement, portant réorganisation et fonctionnement du comité de suivi de la mise en œuvre de l’initiative pour la transparence dans les  Industries Extractives ; un an plus tard nous soyons entrain de demander un report de publication du rapport ITIE 2022 pour « des aléas dans la désignation des représentants de la société civile au sein du nouveau comité ITIE » national ? Donc 12 mois n’ont pas suffi pour désigner 12 valeureux camerounais de la société civile au sein de ce comité ?

 Plus encore, comment comprendre que le taux d’implémentation le plus élevé des recommandations du rapport de 2019 soit de 27% pour une des six (06) recommandations ; qu’une soit en cours d’implémentation et que l’implémentation des quatre (04) autres n’aient pas commencé à cette date ?

Par M. Ange NGANDJO, Banquier-Consultant

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