Selon vous, quels facteurs structurels ou conjoncturels spécifiques pourraient expliquer l’absence d’intérêt des investisseurs pour les titres de La Régionale Bank ?
Votre question est à la fois pertinente et essentielle pour comprendre le comportement des investisseurs boursiers face à une situation de crise chez un émetteur. La performance d’un titre coté dépend non seulement des résultats financiers de l’entreprise émettrice, mais aussi de la perception qu’en ont les investisseurs. Très souvent, la réalité économique influence directement cette perception.
Dans le cas de La Régionale Bank, la chute de 80 % du bénéfice net par rapport aux exercices précédents soulève plusieurs interrogations : sur la qualité de la gouvernance, sur les facteurs structurels ayant conduit à cette contre-performance, sur l’absence de croissance, et sur le niveau de provisionnement des créances douteuses. Une analyse financière approfondie des états financiers s’impose pour identifier les causes exactes de cette baisse, d’autant plus que le secteur du crédit connaît une dynamique positive au Cameroun depuis plusieurs années.
Cette contre-performance se traduit par une baisse significative, voire une absence, de rémunération du titre. Or, un investisseur achète une action dans l’espoir de réaliser soit une plus-value à la revente, soit de percevoir des dividendes. L’absence de perspectives sur ces deux leviers de rentabilité explique en grande partie le désintérêt actuel des investisseurs pour les titres de La Régionale Bank.
Certains pourraient interpréter le désintérêt des investisseurs comme une méfiance excessive ou une opportunité manquée…
Oui, cette prudence peut être justifiée. Il existe probablement une corrélation entre la stratégie initiale de la banque, ses perspectives de croissance annoncées lors de son introduction en bourse, et la réticence actuelle des investisseurs. Les rendements espérés à l’époque ne sont pas au rendez-vous aujourd’hui, ce qui légitime une posture plus réservée de la part des acteurs du marché.
À mon sens, les investisseurs ne sous-estiment pas nécessairement le potentiel de redressement de La Régionale Bank. Ce qui semble manquer, c’est une stratégie claire de communication financière. En période de turbulence, il est crucial pour une entreprise cotée de rassurer le marché par des signaux forts, des plans d’action concrets et une transparence accrue.
Malgré les difficultés actuelles, il convient de noter que La Régionale Bank reste active sur le terrain, notamment à travers le projet OSSP-CMR, soutenu par le PNUD et le gouvernement camerounais, ce qui témoigne d’un engagement continu dans le développement économique local. Ce type d’initiative pourrait constituer un levier de repositionnement, à condition qu’il soit intégré dans une stratégie globale et bien communiquée.
Comment le manque de liquidité de la BVMAC, illustré par l’absence de transactions lors de la séance du 1er septembre 2025 par exemple, et bien avant, influence-t-il la valorisation des titres comme ceux de La Régionale Bank, et quelles mesures concrètes pour restaurer la confiance des investisseurs ?
Le manque de liquidité sur la BVMAC s’explique principalement par la faiblesse des volumes d’échange. Avec moins de dix sociétés cotées, les opportunités d’investissement et de diversification sont limitées. De plus, la participation des investisseurs particuliers reste marginale, ce qui freine la dynamique quotidienne du marché.
L’absence de nouveaux produits financiers et d’introductions régulières en bourse contribue également à cette inertie. Dans le cas spécifique de La Régionale Bank, la contre-performance financière récente a refroidi les investisseurs. La chute du bénéfice net et l’absence de dividendes ont entraîné une baisse de la demande pour ses titres.
Du côté de la BVMAC : des campagnes de communication, des séminaires de formation et des initiatives de sensibilisation ont été menées ces dernières années. Des réformes fiscales ont été proposées pour inciter davantage d’entreprises à s’introduire en bourse. Il reste désormais aux entreprises de saisir cette opportunité de financement alternatif.
Du côté de La Régionale Bank : nous avons salué son introduction en bourse (IPO) il y a quelques années. Aujourd’hui, elle gagnerait à renforcer sa communication financière, en partageant clairement ses perspectives de croissance, ses plans de redressement et ses engagements en matière de rendement.
Une transparence accrue et des signaux positifs pourraient contribuer à restaurer la confiance des investisseurs. Enfin, il est crucial que d’autres institutions financières, notamment BGFI Holding, suivent cette voie. Le marché financier régional dispose d’un potentiel considérable, encore largement sous-exploité.
Propos recueillis par Fadira Etonde