Le 19 décembre 2023, le Cameroun s’est doté d’un nouveau Code minier. Qu’est-ce que ce texte apporte de nouveau dans le secteur ?
Nous avions un Code minier le 14 décembre 2016, qui a été renouvelé en décembre 2023. La crainte que nous avions, c’était d’avoir une période de flottement très longue comme pour le Code minier de 2016 qui a passé sept années en flottement en l’absence de décrets d’application. Etant confrontés à la pratique, nous avons reçu des clients entre 2020 et 2022 qui envisageaient d’obtenir des permis d’exploitation, à la suite d’un permis d’exploration. La véritable question était de savoir sur quel fondement ce type de permis allait être demandé. Il n’y avait à l’époque pas de décret d’application de la loi en vigueur à ce moment-là. L’ancien décret d’application qui datait de 2002 était frappé d’obsolescence sur ces nouvelles questions. De ce fait, la nouvelle loi minière n’a pris son sens qu’avec la nouvelle loi de 2023 et ses décrets d’application intervenus en 2024.
Il faut quand même dire qu’il y a eu une évolution par rapport à la loi de 2016. De nombreux outils de modernisation qui sont apparus dans ce nouveau code, des avancées significatives avec la hiérarchisation des sites miniers. Aujourd’hui, les différents types de sites miniers, classifiés par ordre d’importance.
La transparence a été accrue, avec la création d’un registre public des titres, qui permettra aux uns et autres de pouvoir répertorier et savoir ce qui existe, et éviter les chevauchements qu’on a souvent eu. Le durcissement des sanctions pénales pour certains exploitants miniers. La protection des ressources hydriques qui a été renforcée avec le décret sur les zones de protection, qui instaure un périmètre de sécurité. De manière globale, on a donné beaucoup plus de pouvoir à la Sonamines, ce qui lui permet d’être beaucoup plus efficace dans sa mission d’acteur du secteur minier de premier ordre.
La contribution du secteur minier (hors pétrole) dans le PIB reste encore marginale soit 1% en 2024. Pensez-vous que ce nouveau dispositif peut inverser la tendance ?
Oui, la tendance peut être inversée. De toutes les manières, on ressent bien une évolution sous l’impulsion du législateur et du ministère de tutelle. Maintenant, est-ce que nous sommes à un niveau optimal ? Peut-être pas encore. Nous pensons qu’il faut encore aller au bout de certaines dispositions.
Il faut comprendre qu’il s’agit d’un marché embryonnaire qui est né dans les années 2000, et qui n’est pas encore véritablement solide. Donc aujourd’hui, ce nouveau Code est là pour impulser cette activité. Tout va dépendre de comment nos institutions lui donnent corps et de comment elles vont le défendre auprès des organismes internationaux.
Enfin, il est à noter qu’un gros problème d’interdépendance du secteur minier avec d’autres secteurs existe, de sorte que si ces derniers ne sont pas développés, le secteur minier restera embryonnaire, notamment au niveau des infrastructures et de la fourniture de l’électricité.
Quels sont les obstacles que vous avez identifié dans ce nouveau Code minier, qui peuvent entraver le décollage du secteur ?
Il y en a plusieurs, à commencer par la question de la fiscalité, qui entrave l’attractivité de notre secteur minier. Le secteur minier est un secteur qui requiert des investissements extrêmement importants, extrêmement lourd, pour lequel il faudrait trouver un système de bancarisation, un système d’encouragement, visant à booster les investisseurs à y injecter de l’argent. Or, la fiscalité prévue à ce jour n’encourage pas cela. Il y a certaines dispositions qui nous renvoient au Code général des impôts, qui lui-même n’est pas très clair sur certaines questions comme le taux applicable aux plus-values issues de cessions de titres miniers par exemple. Un corpus de règles fiscales plus clair et détaillé sur les différentes taxes sur les flux qui entourent la gestion des titres miniers permettra de renforcer l’attractivité du secteur. On a donc l’impression que cette loi est là, mais, qu’elle n’a pas les infrastructures juridiques nécessaires pour se déployer efficacement.
Il y a aussi le problème de la célérité des procédures. On a vu, dans le nouveau Code minier, une procédure accélérée dans le délai impératif de demande de permis, notamment les permis de reconnaissance. Mais de manière générale, sur l’ensemble de permis qui existent dans le secteur, les délais qui existent ne rencontrent pas la pratique. Cela veut dire que quelqu’un qui engage la procédure aujourd’hui, ne sait pas quand cela va se terminer. Nous estimons que cela renforce le manque de clarté et de sécurité juridique, qui est capital dans les affaires. Aujourd’hui au Cameroun, on ne peut pas apporter des réponses claires sur le process ou la durée, du fait de la grande disparité entre la pratique et les textes. D’où la fragilisation de l’activité, qui entrave notre attractivité et repousse les investisseurs.
Il y a également la question de la juridiction compétente ou d’arbitrage. Le Cameroun peut s’octroyer une primeur dans la gestion des conflits qui peuvent naitre dans la contractualisation entre les investisseurs et lui, or, on ne peut pas être juge et partie. Comment peut-on imaginer qu’un magistrat camerounais puisse prendre une décision contre l’Etat camerounais au Cameroun ? Il faut donc renforcer le recours à la médiation et à l’arbitrage international qui ne dispose que d’un seul article à lui consacré dans le nouveau Code Minier.
Pour revenir sur la transparence, le répertoire des contrats doit pouvoir être disponible. Aujourd’hui, ils ont prévu un répertoire physique et un registre digital. Mais on ne demande qu’à voir. Il faut aussi une cartographie des ressources du Cameroun. En réalité, on a le sentiment qu’on n’a pas commencé par le commencement. On tente de copier ce qui existe ailleurs, sans les prérequis qu’il faut pour permettre à ce texte d’exister véritablement. Une cartographie de départ est capital.
Avez-vous quand-même l’impression que le secteur minier camerounais suscite un certain intérêt pour les investisseurs internationaux ?
Vous savez, les investisseurs sont des êtres froids. Ils peuvent être contre aujourd’hui, et pour demain. Tout dépend de l’opportunité. Dès qu’une cartographie de nos ressources sera faite, les investisseurs vont se jeter dessus. Actuellement, il n’y’a pas de véritable appétence de l’extérieur parce qu’il y a une ignorance sur le potentiel minier camerounais. Mais, une fois que l’information sera disponible, évidemment qu’il y aura un revirement sur cette situation.
Pour le moment, il n’y a aucune donnée chiffrée fiable qui va faire en sorte qu’un investisseur en Australie va se dire, je vais aller au Cameroun. Les investisseurs que nous avons aujourd’hui, ce sont des gens qui se sont retrouvés investisseurs par défaut, à cause de ce que des Camerounais avaient pris des initiatives, avaient obtenu des permis, et sont allés chercher des financements ailleurs. N’ayant pas pu honorer les remboursements desdits financements, certains financiers étrangers se sont retrouvés propriétaires de sociétés minières pris en garantie. Si nous voulons changer le tir, il faut pourvoir une information claire et un peu plus précise sur le potentiel minier Camerounais.