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Richard Evina Obam : « Les pouvoirs publics ont doté la CDEC des moyens lui permettant de procéder au recouvrement forcé »

 (Leconomie.info) - Dans une interview accordée à l'Économie, le Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun affirme que la structure qu’il dirige reçoit progressivement les premiers transferts de ressources identifiées auprès des différents acteurs.

Vous avez été porté le 20 janvier 2023 à la tête de la Caisse de Dépôts et Consignations du Cameroun, une structure en création. 9 mois après pouvez-vous esquisser un premier bilan ?

Les prémices de l’opérationnalisation de la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun (CDEC) ont été lancé le 20 janvier 2023 par le Chef de l’Etat, Son Excellence PAUL BIYA, à travers la nomination de ses premiers dirigeants. Le temps d’arrêt observé depuis sa création par la loi du 14 avril 2008 a permis aux différents acteurs de se réajuster et se préparer à l’arrivée de ce nouvel acteur important dans l’écosystème qui vient en complémentarité contribuer au développement socio-économique du Cameroun.

Dans la perspective du démarrage effectif des activités de la CDEC, nous nous sommes mis résolument au travail, en traçant tout d’abord la feuille de route et en définissant les actions prioritaires à mettre en œuvre dans le court terme. La constitution du Conseil d’Administration le 14 avril 2023 a permis à cet organe délibérant de tenir ses deux premières sessions au cours desquelles, plusieurs résolutions ont été adoptées portant notamment sur l’approbation du Plan Stratégique Triennal (2023-2025) de la CDEC, du budget au titre de l’exercice 2023, de certains textes internes, sur la nomination du Caissier Général, et sur l’organisation et le fonctionnement du Comité de Surveillance.

Par ailleurs, un certain nombre de textes d’application de la loi du 14 avril 2008 régissant les dépôts et consignations ont été élaborés par l’équipe projet que j’ai mise en place au moment de ma nomination et sont en cours de signatures par les autorités compétentes.

L’opérationnalisation de la CDEC a également consisté à trouver, aménager et équiper les locaux devant abriter le siège de la CDEC, en vue de satisfaire et faciliter les conditions de travail. Un immeuble à l’image de l’institution dotée du label « tiers de confiance » a été à cet effet mis à sa disposition au quartier Bastos.

Dans le même sillage, un contrat a été signé avec la Société SOPRA Banking Software pour mettre en place la solution AMPLITUDE à la CDEC, afin de gérer avec sureté et efficacité l’ensemble des ressources qui lui sont dévolues.

Sur le plan opérationnel, notamment en ce qui concerne la mobilisation des ressources, des discutions ont été engagées et se poursuivent avec la majorité des acteurs détenteurs dans leurs livres des fonds et valeurs dévolus à la CDEC. Il s’agit notamment des banques, des compagnies d’assurances, des professions judiciaires et d’autres entités publiques et privées (MINMAP, ARMP, CAMWATER, CAMTEL, ORANGE, MTN, etc.). Ces discussions ont permis de rassurer l’ensemble des acteurs sur la complémentarité de la CDEC en tant que nouvel acteur appelé à contribuer au financement du développement socio-économique, tout en veillant au maintien des équilibres existants de l’écosystème.

A ce jour, je puisse dire que la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun est opérationnelle. Elle reçoit progressivement les consignations ainsi que les premiers transferts des ressources identifiées auprès des différents acteurs.

 Les établissements de crédit ne veulent pas déclarer les fonds à transférer à la CDEC. Qu’est ce qui explique cette résistance malgré vos rappels à l’ordre ?

Je pense qu’il faudrait nuancer cette observation pour relever qu’il ne s’agit pas de toute les banques qui font la résistance, mais plus tôt de quelques-unes. La plupart des banques qui se veulent citoyennes et enclines à se conformer à la réglementation, comprennent l’enjeux de la réforme et ont procédé à la déclaration. Les discussions se poursuivent d’ailleurs avec celles-ci en vue de la préparation des transferts et de la mise en place des relations de partenariats privilégiées.

S’agissant de celles qui affichent encore un comportement de méfiance, peut-être voient elles en la CDEC une concurrente ou alors ont-elles peur du changement ou de voir « leurs ressources » diminuer, je dirais que c’est à tort. Les banques devraient être rassurées au terme des rencontres que nous avons eu aussi bien dans le cadre de l’APECCAM que des visites de courtoisie que nous avons effectuées auprès des dirigeants desdites banques. Le message que nous avons véhiculé a pleinement rassuré ces derniers étant entendu que la CDEC n’est pas arrivée pour fragiliser le système bancaire, encore moins se substituer aux banques.

Les banques et la CDEC sont complémentaires. Elles sont amenées à collaborer et travailler ensemble comme des partenaires. La CDEC a pris l’option de loger ses ressources dans le système bancaire et ne compte pas déplacer la trésorerie détenue par chaque banque dans la mesure où les comptes CDEC seront ouverts dans les livres de celles-ci pour recevoir cette trésorerie.

Aussi, pour fructifier ses ressources, la CDEC est appelée à travailler avec le secteur bancaire pour effectuer conformément à sa stratégie d’investissement, des placements auprès des banques et recourir de manière générale à l’accompagnement de celles-ci. Aussi, la CDEC et les établissements bancaires contribueront ensemble au financement de certains projets d’intérêt général qui visent le développement économique du Cameroun.

Les banques ne sont pas les seules structures qui retiennent les fonds devant être transférés. Qu’est ce qui est fait pour que le greffe et les notaires se conforment ?

Il faut rappeler que la CDEC assure un service public qui est celui des dépôts et des consignations. La sécurisation des fonds des tiers notamment dans le domaine de la justice est une priorité pour elle. Ainsi, pour assurer une saine collaboration et éviter de perturber l’équilibre existant dans ce domaine déjà bien maitrisé par les acteurs concernés, il faudrait que des mécanismes soient mis en place de façon collaborative et concertée avec les différents acteurs de la justice.

Aussi, je tiens à ce que le positionnement de la CDEC comme un nouvel intervenant, ne constitue pas un goulot d’étranglement dans les procédures existantes, n’ajoute pas des lourdeurs et ne contribue pas au rallongement des délais. Nous pensons à cet effet mettre en place une plateforme digitale de gestion des flux financiers qui pourra faciliter les opérations des greffiers, des notaires, des huissiers auprès de la CDEC, en leur offrant un service de qualité.

La Caisse des dépôts et Consignations est par nature la banque des professions judiciaires. Elle apporte une sécurité et une protection optimale aux fonds des tiers déposés auprès de ces acteurs soit à titre conservatoire soit à titre libératoire.

Des échanges ont déjà été entrepris avec ces professions en vue de mettre en place un véritable cadre collaboratif. D’ailleurs une convention de partenariat est en cours d’élaboration avec la Chambre Nationale des Notaires.

Face à tous ces freins quelle sera la démarche de la CDEC ?

Comme dans toute réforme, nous avions anticiper certaines résistances dans la première phase de l’opérationnalisation de la CDEC. Le dialogue reste la démarche la plus appropriée lorsque l’on met en marche une réforme et la CDEC continuera de privilégier cette démarche et l’approche participative et partenariale. Nous allons poursuivre la sensibilisation des différents acteurs pour les amener à adhérer pleinement au positionnement de la Caisse des Dépôts et Consignations, comme un acteur majeur dévoué à la sécurisation des fonds des tiers et au financement de l’intérêt général.

Toutefois, il faut indiquer que pour ceux qui continueront de présenter une opposition manifeste à la bonne conduite de cette réforme, le législateur et les pouvoirs publics ont doté la CDEC des moyens et instruments lui permettant de procéder au recouvrement forcé des ressources qui lui sont dévolues. Bénéficiant du privilège du Trésor, la CDEC dispose des moyens d’investigation auxquels on ne saurait opposer ni le secret professionnel ni le secret bancaire. À ce titre, nous allons tenir compte des réalités de chaque acteur détenteur des fonds et valeurs de la CDEC, mais il est important que la loi s’applique à tous.

En outre, compte tenu des diverses contraintes et dans le but d’optimiser l’utilisation des ressources qui lui sont dévolues par la loi, et d’en faire un levier important au financement de l’économie, la CDEC s’appuiera également sur la gestion sous mandat de certains fonds spéciaux, ainsi que le partenariat avec les institutions financières multilatérales de développement, les fonds d’investissement, les banques commerciales et d’autres sociétés spécialisées notamment dans le cadre des PPP.

Il s’agit d’une structure qui sous d’autres cieux est un levier pour le développement de l’économie. Pouvez-vous rappeler les avantages en ce qui concerne le Cameroun ?

La Caisse des Dépôts et Consignations est un investisseur institutionnel de long terme sur qui l’État va s’appuyer pour mettre en œuvre des projets d’envergure porteurs de croissance. Cet établissement public de type particulier a été mis en place pour fonctionner selon un modèle économique simple à savoir : recevoir, conserver, sécuriser et gérer des ressources qui, de par leur nature ou leur origine, requièrent une protection particulière, d’une part ; et investir dans les projets d’intérêt général pour transformer structurellement l’économie camerounaise, d’autre part.

Certes les défis sont énormes, mais les atouts et le potentiel de ressources dévolues à la CDEC me fonde à croire qu’elle aura un impact significatif, dans la mesure où, elle ambitionne de se positionner comme une institution stratégique, et de devenir le premier soutien et catalyseur des politiques publiques à travers les stratégies sectorielles et les grands programmes d’infrastructures.

Elle devra également jouer un rôle central dans la modernisation de l’économie camerounaise, et l’émergence de nouvelles filières porteuses, avec des effets à l’échelle macroéconomique sur l’emploi, la productivité et la croissance.

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