L’opérateur public Camtel se prépare à une offensive stratégique sur le marché florissant du mobile money dès 2026. La ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng, a récemment présenté cette initiative comme un pilier fondamental du développement futur de Camtel. L’entreprise s’engage dans ce secteur au moment où le mobile money est devenu un levier de croissance essentiel pour tous les opérateurs télécoms en Afrique.
Ce projet ambitieux prendra corps sous la marque Blue Money, marquant l’entrée, certes tardive, de l’entreprise dans un secteur économique crucial. L’initiative n’est cependant pas nouvelle, puisque le projet est en gestation depuis deux ans.
La nouvelle structure Blue Money, dotée d’un capital initial de 500 millions de FCFA, sera dirigée par Jean Marie Aimé Ottou, fraîchement nommé président du conseil d’administration. Elle fournira des services classiques de transfert d’argent, de paiement et de gestion financière par mobile, en s’appuyant sur l’expertise télécom de l’opérateur.
Face à ces rivaux aguerris, Camtel mise sur ses forces intrinsèques pour se démarquer. L’opérateur détient un réseau étendu de fibre optique et le backbone national, lui conférant une couverture solide, y compris dans les zones rurales sous-bancarisées. Ce maillage pourrait favoriser l’inclusion financière, en rendant les services accessibles là où les besoins sont criants. Cependant, les défis sont de taille. Blue Money devra innover pour séduire les usagers habitués aux plateformes existantes : tarifs attractifs, interface intuitive, réseau dense d’agents, et fonctionnalités avancées comme les paiements chez les commerçants ou le règlement de factures.
Dans un écosystème où la fidélité client est ancrée, Camtel aura besoin d’une stratégie offensive pour grignoter des parts de marché. Le potentiel du secteur justifie cette audace. D’après la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), les transactions mobiles au Cameroun ont explosé entre 2019 et 2023 : le volume a été multiplié par 3,6, passant de 615 millions à 2,2 milliards d’opérations. En valeur, les montants ont grimpé de 8 812 milliards à 22 137 milliards de FCFA, soit une hausse de 2,5 fois. Le Cameroun domine la zone Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad, RCA) avec 62,11 % des comptes actifs, 63,58 % des transactions en volume et 76,57 % en valeur.
L’arrivée de Camtel pourrait redessiner les cartes d’un marché en ébullition. Si Blue Money parvient à allier fiabilité et innovation, elle pourrait capter une clientèle en quête d’alternatives locales. Il ne reste plus qu’à observer comment cet acteur public résistera à la concurrence féroce des multinationales et des fintechs disruptives. La guerre du mobile money au Cameroun entre dans une nouvelle phase, où l’agilité et l’accessibilité seront clés.


