La gestion des avoirs en déshérence est au cœur des préoccupations en Afrique centrale. Le Cameroun et le Gabon, deux pays de la sous-région ayant mis en place les Caisses de Dépôts et Consignations (CDC), s’opposent à l’ingérence de la Cobac et de la Beac dans ce qu’ils considèrent comme « activités souveraines de l’Etat ». Ils estiment que la supervision par la COBAC devrait se limiter aux opérations résiduelles de banque existantes dans les CDC au cas où ces dernières n’ont pas créé des filiales à cet effet.
Le 15 avril 2025, date à laquelle s’est tenue la troisième et dernière réunion du Groupe de travail mis en place par le Gouverneur de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), visant à examiner la question de la supervision des activités des Caisses des Dépôts et Consignations (CDC), le Directeur Général de la Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun, Richard Evina Obam a commis un communiqué dans lequel, il fait le point de sur la rencontre et réitère la position officielle de l’Etat.
« Dans le cadre de ces travaux et comme lors des précédents, la BEAC et la COBAC ont continué d’éluder les problématiques fondamentales soulevées par les CDC, telles que l’absence de fondement juridique de leurs actions, la souveraineté des États membres quant à l’organisation et la gestion de leurs services publics, le non-assujettissement des comptables des trésors publics à la Commission Bancaire, le contrôle des deniers publics et des deniers privés réglementés par la COBAC, la capacité des États membres à se doter d’instruments alternatifs de financement de leurs économies, l’absence d’études et de données chiffrées justifiant le risque systémique allégué par la COBAC sur la stabilité financière dans la zone CEMAC, ainsi que la discrimination dont l’État du Cameroun est victime », a-t-il écrit d’entrée de jeu.
Dans le prolongement de son argumentaire, le financier camerounais qu’au terme des travaux, aucun « consensus ne s’est dégagé entre, d’une part, la BEAC et la COBAC, qui souhaitent assimiler le service public des dépôts et consignations aux opérations de banque pour imposer une supervision totale des CDC et, d’autre part, les deux Caisses des Dépôts et Consignations en activité dans la zone CEMAC (Gabon et Cameroun), dont la position constante et harmonisée est de limiter la supervision aux seules opérations de banque résiduelles exercées par les CDC, dans le cas où elles n’auraient pas créé de filiales à cet effet ».
En dépit de l’absence de consensus, élément essentiel à toute construction communautaire, « la BEAC et la COBAC entendent néanmoins faire un passage en force en présentant leurs avant-projets à l’arbitrage du Comité Ministériel de l’UMAC », regrette Evina Obam.
Toutefois, la CDC du Cameroun dans son communiqué rappelle que les compétences de la communauté « sont des compétences d’attribution » c’est-à-dire que ce « sont les États qui consentent à déléguer une portion de leur souveraineté dans une matière, et les organes communautaires doivent agir dans le strict respect de cette délégation ».
À cet égard, « la CDEC a réitéré la position officielle de l’État du Cameroun, à savoir : Le retrait du projet de texte relatif aux conditions d’exercice et à la supervision des activités des CDC dans la CEMAC, qui est sans fondement juridique pertinent et contraire aux bonnes pratiques issues de la comparaison internationale; la limitation de la supervision par la COBAC aux opérations résiduelles de banque existantes dans les CDC au cas où ces dernières n’ont pas créé des filiales à cet effet. Et enfin, la levée de l’injonction illégale et discriminatoire à l’égard du Cameroun, émise par le Secrétaire général de la COBAC, confortant certaines banques dans la désobéissance civile tout en décuplant leurs défiances vis-à-vis de l’Etat ».
« La CDC relève de la tutelle de l’Etat gabonais et non d’une institution régionale »
Le Gabon, dansant au même rythme que le Cameroun, insiste sur l’autonomie des CDC et le fait que la réglementation nationale doit primer sur les directives de ces institutions supranationales. Dans un communiqué subséquent aux travaux du 15 avril, Marius Issa Nkori, patron de la Caisse des Dépôts du Gabon rappelle qu’au cours de la précédente réunion du Groupe de Travail, son pays avait opté pour « une position conciliante » caractérisée par une supervision partielle des activités des Caisses, se rapportant uniquement à la sphère bancaire.
« Cette approche n’apparaît nulle part dans le compte rendu de la dernière réunion issue du Groupe de Travail. Cela traduit une volonté manifeste d’exclure la CDC des travaux censés être menés par le Secrétariat Technique, lequel est supposé être composé des représentants des Caisses de Dépôts et de la COBAC. Une pareille exclusion ne s’explique pas, dès lors qu’une instruction ferme avait été donnée par le Vice- Gouverneur pour que désormais l’ensemble des parties prenantes participent à l’élaboration des dossiers de synthèse », écrit Marius Issa Nkori.
Au sujet de la supervision des activités de caisse par la Cobac, il rappelle que la mission principale de cette dernière consiste à superviser les banques et établissements financiers soumis à des règles prudentielles. Or, la CDC n’est « ni une banque commerciale ni un établissement de crédit et ne collecte pas l’épargne du public au sens strict (elle reçoit des consignations et des dépôts réglementés); Relève de la tutelle de l’Etat gabonais et non d’une institution régionale »
Aussi, poursuit-il, la CDC du Gabon dispose déjà de mécanismes nationaux de contrôle et de supervision à savoir la cour des comptes et les deux Chambres du Parlement (Assemblée Nationale et Senat); ce qui rend juridiquement contestable toute extension de la compétence de la COBAC. Par ailleurs, elle exerce ses activités dans différents secteurs entre autres l’immobilier, le marché des capitaux, assurantiel, etc. et « ne saurait être supervisé par un seul régulateur donc la COBAC ».
De ce qui précède, « toute extension des compétences de la COBAC nécessiterait donc une modification de la législation nationale, du cadre réglementaire de la CEMAC et du Traité de la CEMAC, un consensus entre les Etats membres ayant des CDC en activité pour redéfinir leurs rôles », souligne Marius Issa Nkori.