Après trois éditions au Canada, le Forum International Impact Diaspora a marqué un tournant en s’installant à Douala, Cameroun, les 18 et 19 juillet 2025. Rassemblant des acteurs d’Afrique et de la diaspora nord-américaine, l’événement a mis l’entrepreneuriat jeune au cœur de sa stratégie pour dynamiser les échanges économiques, technologiques et culturels. Le Magistrat camerounais Guillaume Ekoume Moukete, représentant le procureur de la République près du Tribunal de Première Instance de Yaoundé, Théophile Epoh Ewane et Aristide Kouadio, PDG de CEA Côte d’Ivoire, ont dévoilé une vision ambitieuse : faire de la diaspora et de la jeunesse les architectes d’une économie camerounaise moderne.
Guillaume Ekoume Moukete a pointé les obstacles structurels freinant les investissements : corruption, lenteurs judiciaires et insécurité foncière. Malgré un cadre juridique robuste, la Constitution consacre la propriété comme droit fondamental, et le Code de l’investissement de 1990 (révisé en 2002) garantit l’égalité d’accès mais, l’application reste défaillante. Ce code offre des incitations attractives, comme un taux de TVA à 0 % sur l’importation de matériel technique et des exonérations fiscales sur l’impôt sur les sociétés pendant 10 ans. Pourtant, des fraudes dans l’indexation des titres fonciers sapent la confiance. « La diaspora a besoin d’un système judiciaire fiable », a insisté Guillaume Ekoume Moukete, proposant la digitalisation des registres fonciers et des procédures judiciaires, ainsi que la reconnaissance de la double nationalité pour faciliter l’accès aux concessions foncières. Il a aussi appelé à réviser les délais judiciaires, hérités d’un code des années 1800, pour répondre aux exigences économiques.
Une justice moderne au service des jeunes entrepreneurs
Pour sécuriser les investissements, le magistrat au tribunal de première instance de Yaoundé, Guillaume Ekoume, a vanté l’arbitrage, notamment via la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’OHADA. « Avec des arbitres rigoureux et un règlement inspiré de standards internationaux, la CCJA offre une alternative rapide aux juridictions nationales », a-t-il expliqué. La médiation et les centres d’arbitrage locaux, comme celui du Gecam à Douala, complètent cet écosystème. La digitalisation, permettant des échanges judiciaires en ligne, est essentielle pour accélérer les litiges et renforcer la transparence, un atout pour les jeunes entrepreneurs.
Aristide Kouadio a élargi le débat à une perspective panafricaine, soulignant le potentiel des 96 milliards de dollars investis par la diaspora africaine en 2024, et 200 milliards entre 2021 et 2023. « Ces fonds, souvent mal structurés, doivent être canalisés pour une rentabilité optimale », a-t-il alerté, plaidant pour des partenariats entre la diaspora et les jeunes entrepreneurs dans des secteurs comme l’énergie ou l’agriculture. Il a également abordé la fuite des cerveaux : « 95 % de nos talents quittent le continent. C’est-à-dire que juste 5% de nos ingénieurs formés et qualifiés restent dans nos entreprises en Afrique. Nous devons viser 10 % de rétention d’ici trois ans via des champions nationaux et des politiques incitatives ». Pour Aristide Kouadio, la jeunesse africaine, formée localement, est la clé d’entreprises durables.
Membre de l’OHADA et de la Cemac, le Cameroun bénéficie de mécanismes comme la régulation bancaire de la COBAC et de structures comme le Guichet Unique. Selon l’African Development Bank, son PIB devrait croître de 4,4 % en 2025. Mais sans réformes en matière de digitalisation, sécurisation foncière, arbitrage et rétention des talents, ce potentiel risque d’être freiné. Le Forum Impact Diaspora a tracé une feuille de route : unir la diaspora et la jeunesse pour un Cameroun compétitif. « La diaspora et les jeunes ne sont pas l’avenir, ils sont le présent de notre économie », a conclu Guillaume Ekoume Moukete.