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Flavien Kouatcha Simo : « Être entrepreneur dans notre environnement demande tellement d’engagement et de résilience  »

(Leconomie.info)- Le fondateur de Save Our Agriculture Sarl, qui a fait partie des Top 10 Africa’s Business Heroes 2022 parle de son parcours dans l’entrepreneuriat et des leçons apprises en tant qu’entrepreneur.

Dans cet entretien captivant, nous plongeons dans le monde de l’entrepreneuriat africain axé sur l’agriculture et l’innovation avec le fondateur de Save Our Agriculture SARL, Mr. Flavien Kouatcha Simo . Son parcours d’entrepreneur est jalonné de moments de croissance personnelle et de dévouement envers sa passion pour l’agriculture.

Originaire d’une famille d’agriculteurs et de commerçants, il a suivi un cheminement unique qui l’a conduit à créer une entreprise qui allie technologie, durabilité et impact social. De l’enfance à la participation à Africa’s Business Heroes, cette interview explore les origines de son parcours entrepreneurial, les défis qu’il a surmontés dans le secteur agricole, les leçons qu’il a apprises en tant qu’entrepreneur reconnu et les opportunités qu’il voit pour l’avenir de l’entrepreneuriat en Afrique.

L’histoire de cet entrepreneur inspirant nous montre comment la persévérance, la créativité et l’engagement envers un objectif plus vaste peuvent façonner des entreprises qui ont un impact durable sur leurs communautés et au-delà.

Pourriez-vous partager votre parcours dans l’entrepreneuriat et les origines de Save Our Agriculture Sarl ?

Mon parcours dans l’entrepreneuriat commence depuis ma tendre enfance, parce que j’ai grandi dans une famille d’agriculteurs et commerçants. À mon arrivée à Douala pour la fin de mes études primaires, je réalise qu’un boulevard s’ouvre à moi. Enrôlé dans des écoles où très peu de conditions étaient offertes, une panoplie de produits et services à offrir (de manière informelle, mais avec l’appui de mes parents) aux élèves et étudiants me permettent d’arrondir mes fins de mois.

Cette trajectoire s’est renforcée lors de mon arrivée en université publique, où le goût des affaires ne cessait de bouillonner en moi. Après mon diplôme d’ingénieur en 2011, je me lance timidement dans des activités secondaires puisqu’en même temps, j’étais employé en multinationale. Ce n’est qu’après avoir lâché mon dernier emploi en 2016, que je décide définitivement de suivre ma passion dans le secteur agricole.

Inspirée par ma grand-mère, l’entreprise Save Our Agriculture SARL est née d’une volonté de participer efficacement à améliorer le cadre de vie alimentaire des populations Camerounaises et Africaines en général. Au départ, mon instinct d’ingénieur m’a porté vers une démarche cartésienne majoritairement concentrée sur la technique de production.

C’est plus tard avec de l’expérience que nous avons réalisé combien il était important de créer tout un concept autour de cette innovation incrémentale, en nous appuyant sur les challenges de notre environnement en matière d’alimentation, d’employabilité pour les jeunes et les femmes, en saisissant les opportunités que nous offre le numérique.

Comment Save Our Agriculture Sarl relève-t-elle les défis du secteur agricole ?

Nous sommes dans un secteur particulièrement méconnu de l’agriculture. Avec l’aquaponie, nous avons dû convaincre les différents acteurs de notre écosystème à nous accompagner. Pour y arriver, nous avons dû naviguer simultanément sur 2 plans : le court terme en développant des produits qui pouvaient convaincre la clientèle (d’où les 4 segments que nous servons aujourd’hui, avec des besoins qui s’adaptent en fonction de leurs réalités spécifiques). Et le long terme en déployant une stratégie de lobbying auprès des partenaires spéciaux et des pouvoirs publics notamment.

À ce jour, nous avons réussi à établir une certaine notoriété que nous voulons davantage asseoir, et cela se fera grâce aux résultats concrets que nous continuons d’obtenir : le volume de ventes en terme d’unités aquaponiques et de produits frais, mais aussi le nombre de jeunes que nous avons formé dans le cadre de notre partenariat avec le ministère de la jeunesse et de l’éducation civique.

De quelle réalisation de votre parcours entrepreneurial êtes-vous le plus fier?

Être entrepreneur dans notre environnement demande tellement d’engagement et de résilience, qu’il convient de ne rien attendre pour créer un environnement favorable pour son épanouissement et son développement. En tant que chef d’entreprise, j’ai mis en place au sein de mes entreprises un processus de mentoring qui consiste à aligner les objectifs individuels de nos collaborateurs avec les objectifs généraux de l’entreprise. J’ai le plaisir de constater que malgré que nous ne leur offrions pas encore des conditions exceptionnelles, nos collaborateurs parviennent à trouver leurs marques dans ce monde que nous construisons, ils arrivent à se projeter pour imaginer leur contribution dans un Cameroun prospère et enviable.

Quelles leçons clés avez-vous apprises en tant qu’entrepreneur reconnu que vous aimeriez partager avec les entrepreneurs en herbe?

Aujourd’hui, beaucoup de personnes veulent devenir entrepreneurs. Mais elles s’imaginent qu’un entrepreneur n’a pas de problèmes, il a beaucoup d’argent. Il dort et son argent travaille pour lui (rire). Je vois des publications sur les réseaux sociaux et j’ai très peu envie de prendre la parole parce que les gens sont vraiment loin du compte. La leçon que je veux partager, c’est que nous sommes exactement le résultat de nos actions passées. Si nous voulons quelque chose de différent, nous devons changer de stratégie. C’est autant valable dans l’entrepreneuriat que dans les autres pans de notre vie.

Dans le paysage diversifié de l’entrepreneuriat africain, quelles opportunités voyez-vous pour avoir un impact positif?

La première opportunité que je vois, c’est la ZLECAF. Les frontières du continent Africain commencent à disparaître et nous entrepreneurs devrions en profiter. La seconde est valable dans le paysage de l’entrepreneuriat africain mais dans de nombreux autres pays du monde en général. Nous sommes dans une société où la main d’œuvre est jeune, active et disponible. Tout comme la Chine l’a fait il y a plusieurs décennies, l’Afrique peut aujourd’hui devenir l’usine du monde. Mais pour cela, nous devons prendre conscience que notre rôle en tant que jeunes est de construire un meilleur avenir pour nos enfants, et non chercher l’endroit le plus confortable qui puisse nous accueillir aujourd’hui.

En quoi le fait d’être parmi les 10 premiers finalistes de Africa’s Business Heroes 2022 a-t-il eu un impact sur vous et votre entreprise ?

Je fais partie de ceux qui pensent que dans la vie d’un homme, les résultats qu’il obtient sont le fruit du travail qu’il a fait sur lui-même. D’abord, le fait d’être finaliste de ABH en 2022 m’a conforté dans le fait que nous poursuivons le bon chemin. Ça a renforcé en mon équipe la confiance en notre mission collective. L’aspect extérieur, c’est à dire la renommée supplémentaire que ça nous donne, la crédibilité auprès d’autres potentiels partenaires.

Quels changements importants ou quelle croissance votre entreprise a-t-elle connus depuis les Business Heroes en Afrique ?

Depuis le passage par cette compétition, nous avons eu 3 changements majeurs. Le premier a été structurel. L’accompagnement reçu pendant cette compétition nous a donné de meilleures compétences en organisation, structuration et optimisation de notre outil de production. De façon à ce que nous puissions produire plus et mieux avec moins de ressources.

Le deuxième changement a été au niveau de notre quatrième segment de clientèle, le segment industriel qui a connu une croissance de la demande par approche ciblée. Le troisième changement important est la crédibilité que le prix nous a donné auprès des pouvoirs publics. Alors que nous avions engagé la démarche depuis plusieurs années, nous avons été reçus par le Maire de la Ville de Douala, qui nous a octroyé un espace pour la production aquaponique en ville et une participation active à l’amélioration de la fourniture alimentaire des populations.

De votre point de vue, que représentent Africa’s Business Hereos pour les entrepreneurs ?

ABH est sans aucun doute aujourd’hui un excellent miroir de l’entrepreneuriat en Afrique. C’est la plus grande compétition d’entrepreneuriat sur le continent Africain. Fondée par un entrepreneur d’exception et pilotée par une équipe avant-gardiste. C’est une compétition que je recommande à tout entrepreneur qui a déjà un business model opérationnel, une entreprise retable et des perspectives de développement, mais il faut être prêt mentalement car ce sont environ 30.000 candidatures chaque année pour seulement une dizaine d’entrepreneurs financés sur le continent.

Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions sur l’importance d’Africa’s Business Hereos en Afrique dans le contexte du soutien et de la promotion de l’entrepreneuriat? Quel message transmettriez-vous à vos collègues entrepreneurs au sujet de cette possibilité?

J’ai la sensation qu’il y a encore trop peu de soutien aux entrepreneurs Africains. De nombreuses opportunités de financement existent, que ce soit à l’initiative des institutions publiques ou des acteurs privés. Mais ce sont généralement de très petits tickets lorsque les ressources allouées arrivent avant de nombreuses années. La vérité, c’est que la fondation Jack Ma a compris qu’au delà des discours, il fallait créer un écosystème pour des entreprises qui ne sont plus en démarrage mais qui veulent grandir et saisir d’importants marchés.

J’ai connu le fait d’arriver à un stade où tu n’es plus une start-up en démarrage mais tu n’es pas encore non plus une grande entreprise. Tu es une entité hybride qui ne s’identifie pas à beaucoup d’autres acteurs de notre environnement, c’est à la fois frustrant et émotionnellement épuisant. À ceux qui sont dans cette situation, n’hésitez pas à candidater et à aller affronter les autres/ La chance sourit aux audacieux.

En dehors de pays comme le Nigéria, le Kenya, l’Afrique du Sud ou l’Egypte où les entrepreneurs sont beaucoup plus appuyés par des acteurs extérieurs pour de nombreuses raisons, le message d’espoir qu’ABH envoie sur le continent et surtout en Afrique francophone est un événement magique dans la vie de beaucoup d’entrepreneurs. Cette initiative doit absolument se poursuivre, et nous sommes disponibles à oeuvrer pour accompagner son développement afin que les générations qui nous suivent en profitent également.

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