La Compagnie camerounaise d’Aluminium (Alucam) traverse une période tumultueuse. Cette situation s’est encore accentuée au cours des exercices 2022 et 2023, où elle a enregistré respectivement un déficit net de 7,9 milliards de francs CFA, puis 23,6 milliards de francs CFA. Pour sauver cette entreprise de sa dégénérescence progressive, l’Etat explore des options de privatisation.
Selon une source à L’Économie, la présidence de la République est entrée en contact avec Eagle Eye Asset Holdings, une société d’investissement enregistrée auprès de l’Autorité monétaire de Singapour. Les deux parties discuteraient d’un éventuel rachat de l’entreprise. Une information soutenue par nos confrères d’Africa Intelligence.
« Des discussions préliminaires au sujet d’une privatisation sont en cours depuis plusieurs mois entre la présidence et la société d’investissement à capitaux singapouriens dirigée par l’Indien Pramod Prusty et basée à Dubaï, Eagle Eye Asset Holdings, connu également sous le nom de Fortuna Holdings », renseigne le magazine français, qui ajoute par ailleurs que « le dossier est suivi de très près par le secrétaire général à la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, qui en réfère directement au chef de l’État, Paul Biya ».
Cette démarche vise à revitaliser l’entreprise et à sortir de l’impasse financière actuelle. « Si cette privatisation se concrétise, elle pourrait marquer un tournant significatif pour Alucam, permettant à l’entreprise non seulement de stabiliser sa situation financière, mais aussi de relancer ses opérations », confie à L’Économie, une source proche du dossier.
Comme l’indique Africa Intelligence dans un article publié le 11 février 2025, le sujet fait l’objet de réflexion depuis plusieurs années. En novembre 2022, Eagle Eye Asset Holdings avait déjà fait « un pas plus franc en faveur d’une privatisation ». Il visait, en échange du rachat d’Alucam, l’obtention d’un permis d’exploitation de la bauxite, qu’il décrochera plus tard en 2024. Dans une lettre d’intention transmise au Premier ministre, Joseph Dion Ngute, la société avait alors soumis une offre de 63,1 milliards de FCFA afin d’acquérir 80 % de l’actif camerounais.
« Eagle Eye proposait un rachat en deux phases. D’abord un investissement de 30 millions de dollars « pour la remise en état et les besoins en fonds de roulement d’Alucam, visant à relancer les installations d’Alucam, de Socatral, d’Alubassa et du terminal portuaire ». Une seconde tranche de 70 millions de dollars devait suivre « pour l’extension des capacités de l’Alucam ». Les dettes auraient été entre-temps absorbées par l’État camerounais. Le dernier point de vigilance concernait l’alimentation en électricité, difficile à garantir. Eagle Eye demandait au gouvernement d’engager un contrat de long terme avec l’opérateur Eneo, lui aussi lourdement endetté », lit-on dans le journal.
Toutefois, cette initiative doit être abordée avec prudence. La transition vers un modèle privatisé doit non seulement garantir la pérennité de l’entreprise, mais aussi présenter une vision claire pour son opération dans un marché dynamique.
Alucam, financièrement coincée
L’entreprise publique dont l’actionnariat est partagé entre L’État camerounais, (93,3 %), l’Agence française de développement (5,6 %) et la Société nationale d’investissement (1,1 %), est confrontée à des défis structurels et financiers majeurs.
En 2023, elle a enregistré une perte de 23,6 milliards de FCFA. Ce montant est en augmentation de 237,14% par rapport aux pertes de 2022, qui s’élevaient à 7 milliards de FCFA. Cette tendance met en lumière la détérioration de la santé financière de l’entreprise. Les pertes croissantes d’Alucam ne sont pas seulement des chiffres sur le papier ; elles révèlent des problèmes sous-jacents plus larges en son sein. Les capitaux propres d’Alucam sont désormais négatifs à -28,3 milliards de FCFA. Face à cette chute impressionnante des résultats, le plan de redressement le plus sûr pour l’Etat, est la privatisation.
Pour rappel, Alucam a été créé par le groupe Pechiney en 1957. L’entreprise tombe dans l’escarcelle d’Alcan en 2001, lorsque le canadien absorbe le français, puis dans le portefeuille de Rio Tinto en 2006 lors de la fusion entre ces deux groupes. Le géant mondial des mines Rio Tinto se retire le 31 décembre 2014 du tour de table de sa filiale camerounaise Alucam, où il détenait 46,67%, à parts égales avec l’État du Cameroun.