Le gouvernement veut limiter les sorties de devises dans le secteur des assurances au Cameroun. Il a déposé le 19 juin 2025, un projet de loi qui institue une cession légale obligatoire sur les primes, cotisations et traités de réassurance au Cameroun.
Dans l’exposé des motifs de ce projet de loi consulté par l’Economie, l’on apprend que la Cession légale est un mécanisme qui fait obligation à chaque société d’assurance de transférer une quotité bien déterminée de ses primes ou cotisations à l’administration dédiée ou à un organisme public de réassurance afin de garantir le règlement effectif des sinistres suivant un système de double degré de couverture.
Cette décision n’a pas été prise au hasard. « Il a été révélé que les sociétés d’assurance opérant au Cameroun ont cette forte propension à recourir à la réassurance internationale, toute chose qui entraîne d’importantes sorties de devises, estimées à environ 45 milliards de FCFA par an. Une telle situation a créé un manque à gagner pour l’Etat de l’ordre de 119 milliards de FCFA sur la période allant de 2019 à 2023 » peut-on lire dans le projet de loi en examen à l’Assemblée nationale.
A travers ce dispositif, le Cameroun qui est le deuxième marché de la zone Cima (Conférence interafricaine des marchés d’assurance) veut retenir le produit de l’épargne généré par l’industrie de l’assurance aux fins de réinvestissement dans le tissu économique local. Pour le gouvernement, la cession légale obligatoire contribuera au renforcement des capacités de l’économie camerounaise « en limitant les possibilités de sorties de devises jusque-là placées à l’étranger par les assureurs locaux ».
Ces pays qui font déjà recours à cet outil
Le projet de loi sur la cession légale obligatoire sur les primes, cotisations et traités de réassurances au Cameroun qui sera défendu par Louis Paul Motaze, ministre des Finances « permettra également à l’Etat d’assurer une meilleure surveillance du secteur des assurances à travers sa participation dans toutes les affaires souscrites sur le marché ».
« Depuis que ce projet de loi a été déposé, des voix s’élèvent surtout dans le milieu des assureurs pour dire que ceux qui ont rédigé le projet de loi ne comprennent rien. Faux. Ce sont de bonnes guerres parce que l’enjeux est de taille. Nous pensons que c’est une décision salutaire. L’Assemblée nationale doit réserver une suite favorable à ce texte » souligne Régis Mba, économiste.
« Oui à la réassurance locale pour éviter les sorties de devises. Cependant, la réassurance locale pour éviter les sorties de devises doit être renforcée par la réassurance internationale en dollars et/ou en euros et la réassurance locale doit être mise en œuvre exclusivement dans le cadre de la zone monétaire FCFA XAF donc doit être développée en impliquant la commission de la CEMAC, la BDEAC, la BEAC et la société de réassurance communautaire doit même être une institution sous régionale comme la BDEAC, la BEAC, etc » propose un analyste.
Bon nombre de pays africains font déjà recours à la Cession légale obligatoire notamment : le Sénégal, le Burkina Faso, l’Algérie, le Gabon. Ce projet de loi est introduit alors que le lancement de la société de réassurance camerounaise (Cameroun Re) reste attendu.
Il était prévu que l’actionnariat de cette structure soit partagé entre les assureurs locaux (51%), un partenaire stratégique spécialisé en réassurance (34%), l’Etat camerounais (10%) et divers autres petits actionnaires (5%). L’Etat camerounais a été, pendant de nombreuses années, actionnaire d’une société de réassurance locale, la Caisse Nationale de Réassurance (CNR), qui a été liquidée en 2000.