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Slim Khalbous : « Les universités africaines doivent s’ouvrir au monde économique »

(Leconomie.info) - Dans une interview exclusive accordée au quotidien l’Economie, le recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) parle de la nécessité d’adapter les curricula de formation aux besoins de développement.

Monsieur le Recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie, vous êtes à Yaoundé dans le cadre d’un atelier sur l’employabilité et l’entrepreneuriat en milieu universitaire. Dans votre discours d’ouverture le 29 janvier 2024, vous avez souligné que l’université dans les pays en voie de développement n’est pas en phase avec l’évolution du monde d’aujourd’hui. Et vous pensez qu’il est urgent de revoir les curricula.

Quand je dis que l’université n’est pas toujours en phase, c’est parce que l’université n’est pas toujours ouverte sur son environnement économique et social. Et c’est ce qu’il faut absolument changer dans les pays du Sud. Il y a beaucoup de très belles compétences à l’université, il y a des énergies incroyables auprès des jeunes mais il faut libérer cette énergie. Il faut permettre à ces compétences d’être au service du développement de leur pays. C’est ça l’idée. Le monde change, les compétences requises de nos diplômés changent. Le monde devient de plus en plus complexe avec des questions comme l’environnement, l’eau, les flux migratoires, l’intelligence artificielle…Tous ces éléments ne peuvent pas être traités avec un système fermé sur lui-même.

Ça doit être un système de plus en plus ouvert qui apprend à collaborer avec la société civile et surtout avec le monde économique. C’est ce que nous essayons de faire. A l’Agence universitaire de la francophonie, nous accompagnons les universités pour réussir cette ouverture vers le monde économique. Le projet que nous portons aujourd’hui et qui nous réunit fait partie des projets emblématiques qui permettent à l’université d’être quasiment obligée de collaborer avec le monde économique. Parce que quand vous avez un Centre d’employabilité, ça veut dire que vous préparez votre étudiant avant sa diplomation à son insertion professionnelle. Ça ne peut se faire qu’avec la présence des chefs d’entreprises qui vont nous expliquer les critères sur lesquels ils se basent pour recruter nos futurs diplômés et ça nous permettra de préparer nos diplômés avant le choc de la sortie de l’université.

Ils vont nous dire aussi, voilà les nouvelles compétences dont on a besoin au sein des entreprises et c’est ça qui va permettre de changer les curricula pour les adapter aux besoins du développement de chaque pays.  C’est ça le nouveau rôle de l’université en plus d’enseigner le mieux possible, en plus de faire de la recherche pour le développement du savoir, il faut que l’université soit ouverte sur la communauté et cette ouverture est essentiellement une ouverture sociétale mais aussi économique en préparant l’insertion professionnelle de nos jeunes. Ainsi, tout le monde est gagnant.

 Les entreprises trouvent des compétences plus aguerries, plus utiles à leurs besoins de développement, le pays regorge de compétences. Il est important de souligner que les pays du Sud manquent des compétences par rapport à tous les besoins qu’ils ont. Dans ce contexte, l’université devient un agent de développement économique et non seulement un agent de production de diplômes ou de formation.

Comment appréciez-vous cette ouverture dans un pays comme le Cameroun ?

Nous sommes extrêmement satisfaits de cette ouverture au Cameroun. Nous avons constaté depuis le début qu’il y a une adhésion totale à cette vision. Le ministre de l’Enseignement supérieur (Jacques Fame Ndongo, Ndlr) a complètement porté ce projet en la mettant dans la loi d’orientation de l’enseignement supérieur et c’est un signe très important et très fort. Le Cameroun a lié le statut d’étudiant entrepreneur a une université qui est plus entrepreneuriale aussi, plus ouverte sur le monde économique et c’est une excellente chose.

Nous savons que les ressources vont devenir de plus en plus rares et le Ministre l’a également souligné. Ce qui veut dire qu’il faut préparer les universités à avoir d’autres sources de financements et cette idée nous semble assez logique. Cependant, il faut que ce soit pensé dans une stratégie globale de l’ouverture de l’université sur son environnement.

Après la formation, comment les étudiants devenus entrepreneurs feront pour trouver des financements ?

Je vais vous dire. Moi, je suis parmi ceux qui disent et qui montrent que le financement n’est pas le vrai problème. C’est juste le problème d’apparence, parce que toujours les gens pensent que l’argent manque et que forcément c’est le problème. Beaucoup d’organismes et de banques de développement qui financent les projets d’entreprises nous disent aujourd’hui qu’il n’y a pas assez de projets qui tiennent la route et qui sont assez bons pour être financés.

Je pense qu’il faut concevoir de manière plus efficace les projets d’entreprises et cela amènera des financements.  Ce n’est pas le financement qui manque, ce sont les projets viables qui manquent à une demande financière. Pour que les projets tiennent la route, il faut tout un processus de préparation, de formation, de sélection, d’encadrement. C’est ce que nous essayons de proposer et au final il y aura le financement et il viendra de manière beaucoup plus facile parce que les projets qui seront présentés tiennent la route.

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