Transfert des fonds en déshérence à la CDEC : « Le FMI n’a pris aucune position »
(Leconomie.info) - Richard Evina Obam, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (Cdec) l’a fait savoir hier à Douala au cours des « Cliniques juridiques », organisées par le Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam). Il intervenait sur le thème : « le transfert des avoirs oisifs à la Caisse de dépôts et consignations : ce qu’il faut savoir (enjeux, risques et défis).
L’actualité autour du transfert des avoirs en déshérence à la Cdec du Cameroun continue de faire mouche dans l’espace public. Après la sortie le 11 juillet 2024 de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) qui demandait la suspension temporaire des opérations de virement des fonds logés dans les comptes inactifs des établissements financiers exerçant sur le sol camerounais, dans les livres de la Cdec, Richard Evina Obam lors des « Cliniques juridiques » tenues le 24 juillet dernier à Douala, a fait le point de la situation.
« La Cobac est sorti de son champ de compétence »
D’après les explications de du Dg de la Cdec, la Cobac, régulateur du secteur bancaire de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, a pour mission de « veiller au respect des textes et conventions pris par les autorités nationales ». Elle ne peut se substituer aux lois nationales explique-t-il. « La Caisse des Dépôts et Consignations ne reçoit pas de l’argent comme une banque. Elle n’accorde pas de crédits comme une banque. Elle n’offre pas un système ou un moyen de paiement. Donc la Cobac est sortie de son champ de compétence. Les dépôts et consignations sont un service public. Et le service public de dépôt et consignations n’a jamais fait partie des matières transférées par les Etats à une communauté, notamment à la Cemac. La Cdec est un service national, souverain, tout simplement parce qu’il englobe plusieurs matières à la fois. Elle est auxiliaire de justice. C’est le banquier de la justice. Partout où il y a des caisses de dépôt et consignations, c’est les lois nationales qui les organisent : c’est des décrets, des arrêtés… et non une législation communautaire. Les dépôts et consignations ne peuvent être gérés que par l’administration nationale. Ils ne sauraient être gérés au niveau supranational », explique Richard Evina Obam.
Dans le prolongement de son argumentaire, l’expert du FMI en matière d’administration fiscale estime que l’implication de la Commission bancaire de l’Afrique Centrale dans les missions de la Cdec est l’œuvre de certains établissements bancaires qui continuent d’utiliser les fonds en déshérence à des fins inavouées.
Pour lui, le transfert des avoirs dans les livres de son institution ne comporte « aucun risque opérationnel ». « C’est plutôt lorsque la comptabilité bancaire est en déshérence qu’il y a des risques. Les comptes inactifs dans une banque peuvent faire l’objet de manipulation et de fraude. C’est de ce côté qu’on attend la Beac pour continuer à loger ces fonds dans les comptes inactifs », explique-t-il.
« Certaines banques ont décidé de faire de la résistance pour faire échec à la démarche de la CDEC. Ce sont ces banques qui font du lobbying nocif auprès de la Cobac. On ne juge pas la performance d’une banque sur l’accumulation des fonds en déshérence. Mais sur ses capacités commerciales. Contrairement à une idée très répandue, nous avons tenu des réunions avec la Beac… Nous avons poursuivi ces concertations au niveau individuel, en rencontrant indépendamment chaque banque, au niveau du top management, et au niveau des équipes techniques. Les textes sur lesquels nous nous appuyons sont le fruit d’un travail concerté. L’Association Professionnelle des Etablissements de Crédit du Cameroun (APECCAM) a participé à leur élaboration. Elle a inséré les dispositions allant dans le sens de la stabilité du secteur bancaire » affirme le Dg de la Cdec.
Le FMI n’a pas pris position
Alors que l’on annonce par voie médiatique que le Fonds monétaire international « s’est prononcé en faveur du régulateur bancaire, invitant Yaoundé à clarifier la situation avant le mois de septembre 2024 », Richard Evina Obam s’est voulu clair. « C’est de la pure manipulation » précise-t-il, avant de poursuivre : « Le FMI a pris position dans quel acte ? Non, il n’a pas pris position. C’est de la manipulation médiatique, la manipulation de l’opinion. Je le dis avec fermeté et même avec autorité. Et il faut faire attention. Vous ne pouvez pas publier une information au nom d’une institution qui ne vous a pas donné quitus pour parler en son nom. Les rapports entre le Cameroun et le FMI sont des rapports institutionnels, encadrés et documentés… ».