En effet, le secteur agricole représente en moyenne 20 à 30 % du Produit Intérieur Brut (PIB) de nombreux pays africains et emploie environ 60 % de la population active. Pourtant, malgré ce rôle central, cette productivité demeure faible. D’ailleurs les pays africains importent près de 60 milliards de dollars de denrées alimentaires chaque année, compromettant ainsi leur souveraineté alimentaire. Cette faible productivité découle notamment du faible accès aux intrants, de la mécanisation, aux marchés, la formation, et une dégradation des ressources naturelles.
Ainsi faut – il le noter, l’Afrique est considérée comme l’un des continents les plus exposés au changement climatique, bien qu’il ne contribue qu’à moins de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En effet, elle est extrêmement vulnérable aux aléas climatiques comme les sécheresses, les inondations, la hausse des températures ainsi que l’irrégularité des saisons des pluies.
Cette vulnérabilité se manifeste tout d’abord par une augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses, inondations, vagues de chaleur ; ensuite une perturbation croissante des cycles agricoles, notamment en zones sahéliennes et subsahariennes. Enfin une réduction de la productivité agricole estimée entre 10 et 25 % à l’horizon 2050, ajoute la Banque africaine de développement (BAD). De plus, l’agriculture, qui emploie environ 60 % de la population active et représente près de 20 à 30 % du Produit Intérieur Brut (PIB) de nombreux pays, est particulièrement menacée.
Vers une souveraineté alimentaire durable
La souveraineté alimentaire se distingue de la simple sécurité alimentaire car, elle implique le droit des populations à définir leurs propres politiques agricoles et alimentaires, à produire localement, et à protéger leurs systèmes agricoles contre les dérives du marché mondial.
En Afrique, cette souveraineté est menacée par l’instabilité des marchés internationaux, la domination des filières d’exportation au détriment de la production vivrière, la précarité foncière des petits producteurs. Dans ce contexte, il devient crucial de transformer les systèmes agricoles africains afin de les rendre résilients, productifs et autonomes.
Une réponse stratégique à double objectif
Les Pratiques Agricoles Intelligentes face au Climat (PAIC) se présentent comme une réponse intégrée aux enjeux de productivité, de durabilité et de résilience. Celles-ci combinent adaptation, atténuation et productivité. Elles ont pour but d’augmenter durablement la productivité agricole, de renforcer la résilience aux chocs climatiques, et enfin réduire les émissions de gaz à effet de serre. Parmi les différentes PAIC, figurent entre autres : l’agroforesterie, les semences résistantes à la sécheresse, l’irrigation goutte-à-goutte, la rotation des cultures et la gestion intégrée des sols.
Études de cas inspirants
On peut se référer à l’Éthiopie qui à travers la restauration des paysages (ex : Tigré) a permis la réduction de l’érosion et l’amélioration de la fertilité. La Zambie quant à elle a opté pour la conservation de l’agriculture (rotation, etc…), ce qui a conduit à des rendements stables malgré la sécheresse. Le Maroc à son tour s’est tourné vers l’irrigation goutte-à-goutte subventionnée impliquant ainsi une réduction de 40% de sa consommation d’eau, pour ne citer que ceux-là.
Effets attendus sur la souveraineté alimentaire
L’adoption des pratiques agricoles intelligentes face au climat permet un accroissement de la production locale, une réduction de la dépendance aux importations. Ce qui favorise la réduction des coûts de production, la stabilisation des prix à travers une meilleure résilience face aux chocs climatiques, la réduction des famines saisonnières. En impliquant ainsi le renforcement des systèmes locaux de production et des marchés vivriers.
L’Afrique est à la croisée des chemins : soit elle continue de dépendre d’un modèle agricole vulnérable et importateur, soit elle adopte des pratiques résilientes, écologiques et souveraines. Dans ce cadre, les PAIC représentent un levier stratégique majeur, mais leur succès dépendra de la capacité des États africains à surmonter les défis structurels, économiques et institutionnels qui freinent leur déploiement à grande échelle.
Faut-il le noter, la souveraineté alimentaire ne peut être atteinte sans une transformation structurelle profonde du secteur agricole, et les PAIC offrent une opportunité unique d’y parvenir à condition que les acteurs publics, privés et communautaires travaillent de manière intégrée.
Michelle Josée Ekila,
Economiste en Histoire, Institutions et Développement