Vous avez lancé hier en Eswatini, le rapport 2025 sur l’état des lieux des Systèmes de paiement instantané en Afrique. Quelles sont les grandes avancées qui ont été enregistrées ?
Nous voyons beaucoup de changements sur ce rapport 2025. Je pense que la première chose, c’est déjà une accélération des déploiements des systèmes de paiement instantané au niveau de l’Afrique, puisque cette année, on voit 5 nouveaux systèmes qui ont été déployés. Et lorsque vous regardez les trois derniers rapports, vous constatez qu’on n’a jamais eu autant de progression. C’est une tendance à applaudir au niveau de l’Afrique. Ça veut dire que nous faisons des progrès pour l’inclusion financière. Nous voyons aussi une grande tendance sur l’interopérabilité, parce qu’aujourd’hui, il y a la moitié des systèmes qui sont interopérables, permettant des transactions entre les banques, les opérateurs du mobile money, les institutions de microfinances et les fintechs. Cet accroissement de l’inclusivité est vraiment un point positif pour l’écosystème, qu’on doit applaudir avec ce qu’on voit cette année.
Nous voyons aussi des évolutions au niveau de l’écosystème pour les paiements transfrontaliers. Beaucoup plus de systèmes qui permettent des transferts au-delà d’un seul pays. Nous avons les systèmes régionaux. On a un nouveau système qui est devenu actif cette année, ce qui fait qu’on a déjà quatre systèmes régionaux et en plus il y en a trois autres qui sont en développement. C’est aussi un autre point positif. Nous sommes vraiment convaincus au niveau d’AfricaNenda que dans quelques années, nous allons être dans un écosystème où chaque pays en Afrique a un système de paiement instantané inclusif, soit par les systèmes domestiques qui sont faits ou les systèmes régionaux qui se mettent en place. Et cette couverture sera très rapidement possible.
Pourquoi avoir choisi Eswatini pour lancer le rapport ?
C’est un choix d’inclusion. Nous sommes une organisation panafricaine. Nous avons l’ambition de soutenir tous les pays en Afrique. Et c’est pour ça que le lancement de ce rapport est toujours dans un autre pays. En 2022, nous étions au Rwanda, en 2023 nous étions en Ethiopie, en 2024 nous étions au Ghana et nous sommes aujourd’hui en Eswatini. Nous sommes ici parce que c’est une décision volontaire du Gouverneur de la Banque Centrale d’Eswatini, Phil Mnisi, qui reconnaît la valeur des systèmes de paiement instantané. Il s’est porté volontaire d’emmener cet écosystème ici. Il a participé l’année passée au lancement au Ghana. Ce qu’il a vu l’a convaincu de la nécessité d’élever le discours sur les systèmes de paiement instantané en Eswatini surtout qu’eux-mêmes ont lancé leur système de paiement instantané en décembre 2024. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici. Pour nous, il y a toujours des leçons sur la maturité des systèmes. Nous avons beaucoup de systèmes qui sont peut-être plus matures, comme c’est le cas au Ghana, mais nous avons aussi des systèmes qui commencent. Et je pense que ceux qui commencent ont même plus de leçons à donner à ceux qui n’ont pas encore commencé. En Eswatini, ils ont effectivement commencé et en l’espace de six mois beaucoup de progrès ont été enregistrés.
Ce qu’il faut reconnaître, c’est qu’ils ont commencé en s’appuyant sur les leçons des autres systèmes, pour s’assurer que dès le démarrage, ils sont inclusifs.
En même temps, l’Eswatini peut donner des leçons aux 19 autres pays en Afrique qui sont en train de penser à mettre en place leur système de paiement et même à ceux qui n’ont pas encore commencé, et des leçons qui peuvent dire, vous n’avez pas besoin de commencer à zéro. Dès le départ, vous pouvez commencer avec un système qui sera inclusif.
Pensez-vous que les actions menées jusqu’ici par AfricaNenda ont contribué à améliorer le développement des Systèmes de paiement instantané en Afrique ?
Nous aimerions le penser, effectivement, mais je préfère vous dire ce que des partenaires nous ont dit par rapport à ce rapport. Sur les cinq systèmes qui sont nouveaux et qui se mettent en place actuellement, il y en a trois qui nous ont dit qu’ils se sont inspirés du rapport sur les SIIPS. Ils ont regardé les benchmarks que nous avons dans les divers pays et surtout, ils ont regardé les différents niveaux d’inclusivité et les leviers sur lesquels il faut s’appuyer lorsqu’on commence. L’Eswatini a choisi d’avoir l’interopérabilité complète. Parmi les cinq systèmes, il y en a quatre qui ont choisi de mettre le QR code dès le départ actif. C’est parce que nous avons montré, année après année, qu’il faut faciliter l’utilisation. Si on peut mettre des systèmes où on a juste besoin de scanner un QR code à la fin de transaction, c’est encore plus accessible à tout le monde, quel que soit le niveau d’éducation.
Le feed-back que nous avons, que ce soit des banques centrales, que ce soit des opérateurs de systèmes de paiement, que ce soit même les acteurs de développement est que le rapport que nous produisons est utile parce qu’il nous permet de voir la tendance. Chaque année, ce rapport fait une enquête dans quatre ou cinq pays en Afrique et partage les défis par rapport à l’adoption des systèmes de paiement instantané. Et nous allons continuer ces efforts-là.
Comment les paiements instantanés selon vous, redessinent l’économie africaine ?
Je pense que les paiements instantanés sont un levier très fort pour transformer l’inclusion financière en inclusion économique. Parce que à travers ces systèmes de paiement, ça permet à la population d’avoir un compte. Et lorsque vous avez un compte et que vous commencez à construire un historique dans le monde numérique, vous permettez à un plus large éventail de fournisseurs de services, que ce soit banque, FinTech ou Mobile Money, de pouvoir venir avec des services à valeur ajoutée, notamment faciliter l’accès au crédit. Parce qu’avec le digital, on peut trouver d’autres moyens d’estimation du risque crédit qu’on ne pouvait pas avoir s’il fallait juste avoir un compte bancaire.
Propos recueillis par Hervé Fopa Fogang, envoyé spécial en Eswatini


