Qu’est‑ce qu’un prêt d’honneur et pourquoi l’AFD soutient‑elle ce mécanisme ?
Comme son nom l’indique, un prêt d’honneur ou prêt sur l’honneur est un prêt fondé sur la confiance. Il s’agit d’un financement personnel accordé à un porteur de projet sans garantie ni intérêt, pour soutenir la création, la relance ou le développement d’une entreprise. Au Cameroun, nous sommes encore dans une phase pilote, notamment à travers Initiative Obala et Initiative Bafoussam. Le montant du prêt d’honneur peut atteindre 7 millions de FCFA, avec un différé de remboursement pouvant aller jusqu’à 12 mois et une durée de 3 à 5 ans pour les TPE. L’AFD soutient ce dispositif parce qu’il permet d’augmenter les fonds propres des entrepreneurs, de financer leur besoin en fonds de roulement ou leur outil de production et de faciliter l’accès ultérieur au crédit bancaire.
À quelles difficultés spécifiques des agriculteurs ce type de prêt répond‑il ?
Dans les zones rurales, beaucoup d’agriculteurs n’ont ni garantie, ni historique bancaire pour solliciter des prêts auprès des institutions financières. Le prêt d’honneur s’adapte au cycle économique et à la capacité de remboursement de l’entreprise. Les délais de grâce peuvent atteindre 12 mois, ce qui permet aux producteurs d’attendre la récolte ou la mise sur le marché de leur production avant de commencer à rembourser. Ce modèle répond donc aux contraintes de saisonnalité lié à certaines cultures agricoles et à l’absence de garanties, tout en limitant l’exigence d’apport personnel.
Qui peut bénéficier d’un prêt d’honneur ? Quels sont les secteurs visés ?
Les critères de sélection des bénéficiaires sont définis par les acteurs locaux qui mettent en place l’Association Initiative. Le dispositif actuel au Cameroun s’adresse aux personnes âgées de 18 à 70 ans, dès lors qu’elles justifient d’une expérience dans l’activité visée. Les bénéficiaires doivent être responsables d’une très petite, petite ou moyenne entreprise (TPE/PME) ou d’une exploitation agropastorale et résider dans une localité couverte par l’association Initiative. Les secteurs prioritaires sont l’agriculture, l’agroalimentaire, l’élevage et le numérique.
Pouvez‑vous partager un exemple de projet agricole accompagné par un prêt d’honneur
À Obala, nous avons soutenu le développement d’une bouillie enrichie baptisée « Bouillie Luna », conçue à partir d’ingrédients soigneusement sélectionnés pour répondre aux besoins nutritionnels des jeunes enfants. Le prêt d’honneur a été déterminant dans le renforcement et la modernisation de son activité. Il a permis d’augmenter le fonds de roulement, de moderniser le packaging, de développer de nouvelles gammes de produits, et d’acquérir un moulin pour améliorer la production. Cette entreprise fait partie des 119 prêts d’honneur octroyés dans les associations de Bafoussam et d’Obala à date. Parmi les bénéficiaires, 47 % sont des jeunes, et une large part des prêts (50 % à Bafoussam et 31 % à Obala) concerne des projets agricoles. Cela montre bien que le dispositif répond aux besoins du secteur agricole, en particulier pour les jeunes entrepreneurs.
Au‑delà du financement, quel accompagnement non financier est proposé aux entrepreneurs ?
Avant le financement, l’association aide l’entrepreneur à formaliser son projet et à élaborer un business plan. Une fois le prêt accordé, l’animateur territorial de l’association suit régulièrement la mise en œuvre du projet, visite l’entreprise et propose des appuis spécifiques pour résoudre les difficultés rencontrées. Les entrepreneurs bénéficient également d’un parrainage ou marrainage : un bénévole les guide et facilite leur insertion dans le tissu économique local. Enfin, des clubs d’entrepreneurs permettent de rompre l’isolement et de créer des réseaux. Cette offre non financière est au cœur du succès du dispositif.
Quels résultats concrets observe‑t‑on depuis le lancement des associations Initiative au Cameroun ?
Un an après leur lancement, les associations Initiative Bafoussam et Obala affichent à date, 119 prêts d’honneur octroyés, pour un montant total de plus de 190,8 millions de FCFA à Bafoussam et 130,4 millions de FCFA à Obala. Les bénéficiaires se répartissent entre les secteurs de l’agriculture (50 % des prêts à Bafoussam et 31 % à Obala), de l’agroalimentaire et de l’élevage.
Comment le projet intègre‑t‑il le prêt d’honneur pour soutenir l’entrepreneuriat féminin, sachant qu’au Cameroun, les entrepreneurs sont à majorité des femmes ?
Face à ce constat, l’AFD compte accompagner le gouvernement à travers le projet SeptentrionEst qui cible uniquement les femmes. Ce projet vise à renforcer l’entrepreneuriat féminin dans les régions les plus pauvres du Cameroun (Extrême‑Nord, Nord, Adamaoua et Est) en améliorant l’accès des femmes au financement et à la formation. Doté d’une subvention de 5 millions d’euros, il accompagnera 1 500 femmes entrepreneures pour améliorer leurs performances et leur autonomisation. L’un des trois axes du projet est la mise en place d’un mécanisme de prêt d’honneur similaire à ceux déployés à Bafoussam et Obala. L’idée est de créer des associations locales qui octroieront des prêts à taux zéro, sans garantie, tout en proposant des formations et un accompagnement adapté aux besoins des entrepreneures.
Quelles sont les perspectives d’extension de ce dispositif sur le territoire camerounais ?
Le succès des premières associations Initiative a montré l’appétence des entrepreneurs pour ce type de financement. Dans le cadre du projet d’appui à la sécurité alimentaire dans les territoires ruraux (Secal) en cours, nous avons prévu de créer deux nouvelles associations à Garoua et Nkongsamba. Une faîtière nationale sera ensuite constituée pour assurer la cohérence du réseau et développer des partenariats financiers nationaux et internationaux. L’objectif est d’étendre ce modèle à d’autres régions et filières, notamment celles qui sont portées par des jeunes et des femmes, afin de soutenir la dynamique agricole et agroalimentaire sur l’ensemble du territoire camerounais. Le prêt d’honneur est conçu pour faire effet levier sur un financement tiers et pour réduire l’exigence d’apport personnel. Beaucoup de bénéficiaires parviennent à accéder à des crédits bancaires après avoir remboursé leur prêt d’honneur, ce qui témoigne de l’inclusion progressive dans le circuit financier formel. Plus largement, le dispositif contribue à réduire les inégalités d’accès aux ressources financières.



