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Philip Davis : « Nous, Nations africaines et caribéennes, pouvons exploiter notre potentiel pour façonner notre propre destin économique »

(Leconomie.info) - Nous vous proposons l’intégralité du discours prononcé le 13 juin 2024 par le Premier Ministre du Commonwealth des Bahamas lors des 31èmes Assemblées annuelles d’Afreximbank. Il intervenait sur le thème général de l’évènement : « Notre destin : la prospérité économique sur la plateforme de l’Afrique globale ».

« Un peuple sans connaissance de son histoire passée, de ses origines et de sa culture est comme un arbre sans racines ». Ces paroles profondes de Marcus Garvey nous rappellent que notre parcours vers la prospérité économique est profondément lié à notre compréhension et à notre appréciation de notre patrimoine commun et de la force collective de l’Afrique mondiale. Aujourd’hui, sous le thème « Notre destin : la prospérité économique sur la plateforme de l’Afrique globale », nous nous réunissons pour célébrer et tracer une voie vers un avenir plus brillant.

Mesdames et Messieurs, distingués invités, c’est pour moi un honneur particulier de saluer le président d’Afreximbank, Dr. Benedict Oramah. Votre leadership visionnaire et votre engagement à favoriser l’intégration économique et la croissance à travers l’Afrique et la diaspora ont été déterminants pour stimuler les progrès que nous célébrons aujourd’hui.

Aujourd’hui, je me suis rappelé des possibilités infinies qui définissent les Caraïbes et, en effet, les Bahamas. Notre région n’est pas seulement une collection d’îles, mais une tapisserie vibrante de culture, d’innovation et d’opportunités. Les Bahamas, avec leur position stratégique et leur économie dynamique, servent de symbole de possibilité et de porte d’entrée vers des horizons économiques plus larges.

En grandissant sur Cat Island, l’une des belles îles familiales de notre pays, j’ai toujours eu de grands rêves pour mon pays. Je n’avais peut-être pas envisagé les chemins spécifiques que notre économie emprunterait, mais j’ai toujours cru au potentiel illimité de notre nation. Notre histoire est celle de l’invention, de la perturbation, de la résilience et de l’innovation. Nous avons été des pionniers dans divers domaines, du tourisme aux services financiers, transformant les défis en opportunités et démontrant notre capacité à innover et à diriger.

Tout comme les Bahamas ont embrassé leur position unique pour devenir un leader mondial dans le tourisme et les services financiers, nous, en tant que collectif de nations africaines et caribéennes, pouvons également exploiter notre potentiel pour façonner notre propre destin économique.

Considérons la création de la République des Pirates au début des années 1700 par le tristement célèbre Barbe Noire et d’autres. Cette République des Pirates, bien avant les révolutions américaine et française, élisait et révoquait ses capitaines par vote, partageait équitablement ses trésors et incluait des esclaves fugitifs comme membres d’équipage. Cet esprit d’innovation et de perturbation fait partie de notre ADN. Bien plus tard, nous avons pris des mesures pionnières dans le domaine du tourisme. Une proposition risquée à l’époque. Construire une industrie qui dépendait des gens ordinaires voyageant à l’étranger pour se prélasser sur une plage étrangère et ne rien faire semblait invraisemblable. Pourtant, nous avons réussi, et le tourisme a prospéré aux côtés du développement d’une industrie robuste des services financiers. Cette industrie est passée d’une position principalement offshore à de plus en plus onshore, prouvant notre adaptabilité et notre résilience.

Aujourd’hui, notre présence ici souligne la préparation des Bahamas, et en effet des Caraïbes, à être un foyer pour les leaders mondiaux dans divers secteurs. Les Bahamas ont toujours été plus qu’un paradis tropical. C’est un lieu de possibilités, où les rêves ne sont pas seulement rêvés mais réalisés. Cet ethos se reflète dans notre histoire et dans les innovations transformatrices que nous continuons de défendre. De même, l’Afrique est une terre de potentiel immense, regorgeant d’opportunités de croissance et de développement. Notre mission collective est d’exploiter ce potentiel, en créant des voies vers la prospérité qui bénéficient non seulement à nos régions, mais à la communauté mondiale.

Alors que nous passons à la prochaine partie de notre discussion, je pose une question : qu’est-ce que cela signifie de surmonter ? Pour répondre à cela, nous nous inspirons de la sagesse profonde de Sir Seretse Khama, qui nous a exhortés à écrire notre propre histoire et à reconnaître que « une nation sans passé est une nation perdue et un peuple sans passé est un peuple sans âme ».

Debout sur les épaules de nos ancêtres, nous nous souvenons de leur parcours, des chaînes de l’esclavage cruel aux bâtisseurs de l’indépendance avec rien d’autre que leurs mains nues et des esprits indomptables. Notre histoire est un témoignage de résilience, d’ingéniosité et d’un engagement à l’autodétermination. Nos ancêtres ont choisi de se battre, d’espérer et de rêver d’un jour où leurs descendants marcheraient librement, maîtres de leur destin.

Aujourd’hui, nous, les descendants de ces âmes courageuses, héritons plus que leurs rêves ; nous héritons de leur appel à l’action. Dans un environnement mondial qui continue d’évoluer, nos régions — l’Afrique et les Caraïbes — restent unies non seulement par une histoire partagée mais par une mission commune d’exploiter nos compétences collectives, nos ressources et notre fraternité. Nous nous trouvons à un carrefour critique où l’héritage de notre passé rencontre le potentiel de notre avenir.

Notre réponse aux défis auxquels nous sommes confrontés n’est pas seulement de résister mais d’innover et de collaborer, en créant une feuille de route pour un avenir où l’Afrique et les Caraïbes exploitent leur puissance économique collective pour démanteler les barrières et construire des ponts. Cette unité et cette collaboration sont exemplifiées par les développements récents aux Nations Unies concernant les questions fiscales internationales. Les Bahamas, aux côtés d’autres nations africaines, ont joué un rôle de soutien dans une résolution pivot, marquant une victoire significative dans la lutte continue pour une gouvernance fiscale mondiale équitable. Cette résolution, soutenue par 125 nations, signale un changement vers une approche plus inclusive de la coopération fiscale internationale.

Pourtant, alors que nous célébrons cet accomplissement, nous devons également nous préparer aux défis à venir. La création d’une nouvelle convention fiscale des Nations Unies et l’établissement d’un organe fiscal mondial feront face à une opposition. Dans ce contexte, les Bahamas et la région plus large de l’Afrique et des Caraïbes doivent rester vigilantes et proactives. Nous devons tirer parti de ce moment pour pousser à l’inclusion d’un indice de vulnérabilité multidimensionnel dans le système financier mondial, reconnaissant les défis uniques auxquels nos nations sont confrontées, en particulier en ce qui concerne le changement climatique et les catastrophes naturelles.

Chers amis, je veux esquisser un plan de collaboration que nous pouvons tous embrasser. Ce plan comprend des initiatives clés conçues pour unir nos systèmes bancaires, améliorer l’inclusivité financière et catalyser la croissance économique en Afrique et dans les Caraïbes. Ce plan stratégique est ancré dans notre désir commun de prospérité et notre engagement à surmonter les défis de la distance et des environnements réglementaires disparates. La création d’un groupe de travail financier conjoint peut être la pierre angulaire de notre plan. Cet organisme collaboratif exploitera l’expertise des leaders bancaires et financiers, des décideurs politiques et des parties prenantes des deux régions. Chargé d’identifier et de démanteler les barrières à l’intégration bancaire, ce groupe de travail symbolise notre volonté collective de forger un chemin unifié vers l’avenir.

Nous pouvons également harmoniser nos cadres réglementaires pour résoudre les obstacles critiques dans notre parcours. En alignant nos normes de lutte contre le blanchiment d’argent (AML), nos politiques de lutte contre le financement du terrorisme (CFT) et nos réglementations sur les monnaies numériques, nous créons un environnement sans faille propice aux opérations bancaires transrégionales. Avec son paysage réglementaire robuste, illustré par la loi DARE, les Bahamas sont un pionnier dans cet effort, guidant nos efforts vers l’excellence et la stabilité réglementaires.

De plus, promouvoir l’inclusion financière et la banque numérique exploite le pouvoir de la technologie pour effacer les frontières et ouvrir des portes. Inspiré par le lancement pionnier du Sand Dollar aux Bahamas, la première monnaie numérique de banque centrale au monde, cette facette du plan envisage un avenir où les plateformes bancaires numériques étendent les services financiers à chaque coin de nos régions, garantissant qu’aucun citoyen ne soit laissé pour compte.

Faciliter le commerce et l’investissement grâce à des procédures bancaires rationalisées et des instruments financiers dédiés peut renforcer les échanges économiques entre l’Afrique et les Caraïbes. En nous concentrant sur des secteurs d’intérêt mutuel tels que le tourisme, l’agriculture, les énergies renouvelables et la technologie, nous pouvons débloquer de nouvelles voies de croissance et de collaboration. La clé de ce plan est le développement du capital humain, soulignant la conviction que notre plus grand atout est notre peuple. Des initiatives éducatives conjointes et des programmes de formation équiperont les professionnels de la banque avec des compétences de pointe en fintech, cybersécurité et conformité réglementaire, garantissant que notre secteur financier est robuste, sécurisé et innovant.

La création d’un système de paiement bilatéral ou exploration du développement d’une monnaie numérique partagée représente une étape audacieuse vers la souveraineté financière et l’intégration. Une telle initiative facilitera les échanges commerciaux et les investissements, réduira notre dépendance aux devises extérieures et renforcera nos liens économiques.

Ensemble, l’Afrique et les Caraïbes peuvent s’engager dans ce voyage transformateur, guidé par l’unité, l’innovation et le respect mutuel. Que ce plan soit notre guide alors que nous nous efforçons de libérer le plein potentiel de nos régions, en forgeant une voie vers la prospérité qui sera mémorable pour les générations à venir. réunion annuelle représente un moment crucial pour nous tous, en particulier pour les petits États insulaires en développement (PEID). Nous faisons face à un système financier mondial qui nous exclut souvent, créant des inégalités perpétuées par les pays du G8 et du G20. Ces nations puissantes établissent fréquemment un ensemble de règles pour elles-mêmes et un autre pour les États en développement, sapant notre progrès et notre prospérité. Il est impératif de dénoncer ce comportement et d’exiger un modèle inclusif et équitable pour le système financier mondial.

Nous avons besoin d’un système financier qui nous protège et nous autonomise, plutôt que de nous marginaliser et de nous exploiter. Le paradigme actuel ne peut pas rester incontesté. Nos voix doivent être entendues et nos besoins doivent être pris en compte dans tout nouveau cadre financier mondial. Ce n’est pas seulement une question de justice ; c’est une question de survie et de notre droit à déterminer nos propres destinées économiques.

Ensemble, l’Afrique et les Caraïbes peuvent s’engager dans un voyage transformateur guidé par l’unité, l’innovation et le respect mutuel. Que ce plan soit notre guide alors que nous nous efforçons de libérer le plein potentiel de nos régions, en forgeant une voie vers la prospérité qui sera mémorable pour les générations à venir. Nous sommes bien positionnés pour entreprendre ce voyage, surtout avec la présence bienvenue de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), qui doit organiser une réunion importante cet été aux Bahamas. Cet événement marque un moment crucial dans nos efforts collaboratifs, catalysant les initiatives que nous envisageons aujourd’hui.

Alors que nous nous tenons au seuil de ce partenariat transformateur, nous devons affronter la question fondamentale : Allons-nous permettre aux barrières financières imposées par d’autres d’entraver notre progrès, où allons-nous relever le défi et exiger un système qui respecte notre souveraineté et notre potentiel ? Le plan que j’ai exposé aujourd’hui est plus qu’un simple projet ; c’est un témoignage de notre détermination partagée, une déclaration que nous ne serons plus définis par les distances qui nous séparent, mais par les rêves qui nous unissent. Avec son esprit pionnier et ses avancées dans le domaine bancaire et l’innovation numérique, les Bahamas sont un symbole pour nous tous. Notre voyage ensemble — l’Afrique et les Caraïbes — soutenu par les visions que nous partageons et les actions que nous nous engageons à entreprendre, annonce l’aube d’une nouvelle ère.

Une ère où l’inclusion financière, favorisée par des innovations telles que le Sand Dollar et des cadres réglementaires robustes, devient la norme dans nos eaux. Une ère où nos groupes de travail conjoints et nos politiques harmonisées ouvrent la voie à un avenir où le commerce, l’investissement et la croissance mutuelle coulent aussi librement que les eaux qui nous connectent.

Alors, en regardant vers l’horizon, ne voyons pas une barrière mais un océan vaste et inexploré de potentiel. Décidons, ici et maintenant, que les eaux qui séparent nos terres n’entraveront pas notre progrès mais seront le médium même par lequel nous unirons nos rêves et nos ambitions. La question demeure. Permettrons-nous que la séparation de l’eau se mette en travers de notre chemin ? Ou allons-nous nous embarquer ensemble dans ce voyage audacieux, prouvant que nos esprits sont plus forts que les océans, notre détermination plus profonde que la mer la plus profonde, et notre potentiel aussi illimité que le ciel au-dessus ?

Le choix nous appartient. Choisissons de franchir les eaux, d’unir nos rêves et de créer un avenir où l’Afrique et les Caraïbes prospèrent ensemble, dans la prospérité et le partenariat. C’est notre moment. Saisissons-le à deux mains, pour le bien de notre présent et pour les générations innombrables à venir. Enfin, j’espère que cette réunion annuelle aux Bahamas sera un succès et que vous aurez le temps de vous détendre, de plonger vos pieds dans nos sables, de profiter de la chaleur de notre peuple et de découvrir pourquoi c’est mieux aux Bahamas.

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