Le 12 février 2025, Yvon Sana Bangui, gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (Beac) a présidé par visioconférence la deuxième réunion du groupe de travail chargé de formuler des propositions consensuelles pour la supervision des activités des Caisses des dépôts et consignations (CDC) et la gestion des avoirs en déshérence au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac). Au cours de cette rencontre, deux avant-projets de règlement Cemac élaborés par le Secrétariat général de la Commission bancaire de l’Afrique Centrale (Cobac) ont été examinés. Il s’agit de l’avant-projet de règlement Cemac relatif aux conditions d’exercice et à la supervision des CDC et de l’avant-projet de règlement Cemac relatif au traitement des décomptes inactifs et des avoirs en déshérence dans les livres des établissements assujettis à la Cobac.
La Beac souligne qu’au terme des échanges, les propositions pertinentes ont été approuvées (sans les citer) et seront intégrées dans les nouvelles versions des avant-projets de textes. « Les nouvelles propositions seront examinés lors d’une ultime réunion prévue au mois de mars 2025, avant de soumettre les projets de textes aux organes compétents de la Cemac » précise la Beac. Cependant, le projet de règlement en cours d’élaboration ne met pas toutes les parties d’accord.
Le 20 janvier 2025, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations du Gabon, Marius Issa Nkori a écrit au gouverneur de la Beac. Dans sa correspondance, il indique qu’après analyse minutieuse du projet de règlement en cours d’élaboration, « il apparaît clairement que la perspective d’une supervision des CDC par la Cobac crée un chevauchement de compétences ».
« Les législateurs nationaux ont déjà conféré aux CDC des prérogatives réglementaires qui ne sauraient être remises en cause sans porter atteinte aux principes de souveraineté législative et exécutive des Etats membres », écrit Marius Issa Nkori. Il martèle dans la foulée que les CDC, qu’elles soient des établissements publics ou parapublics sont régies par des textes nationaux (lois, ordonnances, décrets ou arrêtés) et placées sous la tutelle du ministère de l’Economie ou des Finances. « Les CDC exercent également diverses missions stratégiques parmi lesquelles la protection de l’épargne, la gestion de la prévoyance et de la retraite, la participation aux marchés des capitaux…Certaines de ces activités font déjà l’objet de contrôles spécifiques par des organismes supranationaux tels que la Cosumaf, la Cima. Il ne saurait donc être question pour la Cobac d’exercer une autorité qui empiéterait sur les prérogatives d’autres organismes régulateurs ou sur les champs d’activité clairement distincts de la sphère bancaire » renchérit Marius Issa Nkori dans sa correspondance.
Empiètement sur la souveraineté du Cameroun
Dans une correspondance adressée le 29 juillet 2024 au ministère des Finances, Richard Evina Obam, directeur général de la Caisse des Dépôts et consignations (CDEC) du Cameroun faisait état de l’ingérence de la Cobac dans l’activité nationale des dépôts et consignations. Le Minfi avait à son tour informer la présidence de la République qui avait réagit dans une correspondance datée du 1er août 2024.
« En soulignant l’absence manifeste de fondement juridique de ces actes qui violent la procédure prévue pour la prise de décision au niveau de la Cobac, mais aussi le champ de compétence de cette institution, les dépôts et consignations ne faisant pas , pour l’heure , partie des matières transférées à la communauté et restant de ce fait , une activité souveraine régie par les dispositions pertinentes du droit national en vigueur, élaborés et mises en œuvre conformément aux Très Hautes directives du Président de la République » avait écrit Ferdinand Ngoh Ngoh , secrétaire général de la Présidence de la République.
Par ailleurs, il avait demandé au Minfi à inviter la Cobac à rapporter sa correspondance du 11 juillet 2024 relative à la suspension du processus de transfert des avoirs en déshérence, et d’axer ses réflexions sur d’éventuelles activités bancaires résiduelles, susceptibles d’être exercées par les CDC, lorsque celles-ci n’ont pas créé des filiales à cet effet.
Au Cameroun, la Cdec agit strictement conformément à la réglementation nationale en vigueur, précisée par le décret du Premier ministre du 1er décembre 2023 fixant les modalités de transfert des fonds. Ce décret vise à sécuriser les avoirs en déshérence tout en maintenant la stabilité du secteur financier, en offrant aux établissements de crédit et de microfinance des modalités spécifiques pour gérer les transferts en cas de fragilité financière.