Selon les données du rapport fédéral, consulté par L’Economie, 19 820 citoyens camerounais ont obtenu la résidence permanente au Canada en 2024 dans la seule catégorie de l’Immigration économique. Cette statistique représente environ 0,067% de la population du pays.
Le Cameroun est ainsi devenu une source privilégiée pour combler les pénuries de main-d’œuvre au Canada, notamment dans les filières francophones. Ces près de 20 000 individus ne sont pas de simples migrants, mais des professionnels dont les compétences sont jugées essentielles dans ce pays d’Amérique septentrionale.
Le succès canadien, miroir de l’échec camerounais
L’ampleur de ce mouvement migratoire révèle non pas un défaut de patriotisme des diplômés, mais bien un manque chronique de perspectives dans leur pays d’origine. C’est le symptôme d’un « ascenseur social qui semble bloqué » pour des milliers de professionnels qualifiés, contraints à l’exil pour trouver des opportunités.
Au Québec, le Cameroun est devenu, en 2024, la première source d’immigrants permanents, représentant 15,4 % de toutes les admissions. Ce leadership place le pays devant des sources historiques comme la France (12,3 %) et la Chine (7,8 %). Hors Québec, les ressortissants camerounais sont la principale source de résidents permanents d’expression française, avec 10 395 admissions en 2024, selon le rapport fédéral.
Le Canada entend faire plus. Il « continuera à donner la priorité à l’immigration économique, avec près de 65 % des nouveaux résidents permanents contribuant aux besoins du marché du travail et à la croissance d’ici 2027 », indique Lena Metlege Diab, ministre canadien de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.
Pourquoi de plus en plus de Camerounais choisissent d’immigrer au Canada
Le Canada est devenu une destination privilégiée pour un nombre important de Camerounais en quête de meilleures perspectives. L’augmentation des admissions, notamment au Québec, place le Cameroun parmi les principaux pays d’origine pour l’immigration permanente canadienne. Au-delà des chiffres, ce sont des facteurs à la fois économiques et sociaux qui alimentent ce flux migratoire. « Le patronat camerounais est particulièrement préoccupé par cette migration massive », déclare le président du Gecam, Célestin Tawamba lors d’une conférence à Douala.
De l’avis de nombreux experts, le départ en masse des Camerounais repose sur plusieurs piliers touchant à la gouvernance, à l’économie, et au secteur de l’éducation. Les salaires dans la fonction publique et même dans une grande partie du secteur privé local sont souvent jugés insuffisants par rapport au coût de la vie et aux standards internationaux.
La perception de la corruption et du clientélisme dans l’accès aux postes de responsabilité et de prise de décision démotive les jeunes talents. Les difficultés d’accès aux services publics de qualité (santé, électricité, eau, infrastructures routières) ainsi que l’insécurité dans certaines régions diminuent l’attractivité du pays. De plus, le gouvernement n’a pas mis en place un environnement propice à l’innovation et à l’épanouissement des initiatives privées.
En substance, la politique du gouvernement camerounais est critiquée non pas pour un rejet actif des talents, mais pour son incapacité systémique à créer les conditions d’attraction (salaires, environnement des affaires, mérite) qui rivaliseraient avec celles des pays développés.
Un rapport du ministère de l’Économie du Cameroun, qui s’appuie sur des données de l’Organisation internationale du travail (OIT), révèle que le pays a perdu environ 23.000 travailleurs qualifiés en 2020, soit 2,2 % de sa main-d’œuvre qualifiée. « Ce phénomène prive l’économie camerounaise de précieuses ressources humaines », déplore le rapport. Le départ des talents est ainsi perçu comme une réponse rationnelle à un environnement socio-économique et professionnel national jugé frustrant et limitant.


