Les 32èmes Assemblées annuelles d’Afreximbank se tiennent dans un contexte économique particulier, « caractérisé par la démondialisation, la montée du protectionnisme et l’incertitude géopolitique ». Quel rôle peut jouer Afreximbank pour aider les pays africains à y faire face ?
Effectivement, nous traversons une période marquée par de nombreux défis — économiques, géopolitiques, mais aussi par une utilisation accrue de la force économique et militaire dans les rapports internationaux. Les pays africains, à travers leurs ministères des finances, du commerce ou de l’économie, prennent conscience de ces contraintes, notamment l’accès réduit aux financements internationaux ou même à l’expertise. Afreximbank a été créé justement pour faire face à ces situations dites contre-cycliques. Lorsque tout va bien, notre rôle est plus discret. Mais dès que les difficultés apparaissent, nous mobilisons notre créativité pour proposer des solutions efficaces. Nous avons mis en place une série de programmes de soutien à la liquidité, en particulier pour les États confrontés à des tensions de trésorerie. Nous identifions des projets spécifiques (zones industrielles, infrastructures portuaires, etc.) et les transférons dans le secteur privé, que nous finançons directement. Cela permet aux gouvernements de concentrer leurs ressources sur les missions régaliennes. Nous intervenons aussi dans les secteurs spécialisés de la santé, comme les hôpitaux pour les cancers ou les maladies du sang, avec des équipements de pointe. Ces investissements permettent d’éviter l’exode sanitaire, de renforcer le commerce intra-africain et de préserver nos devises. Même si certains projets peuvent sembler à première vue sociaux, ils ont en réalité une forte valeur économique. Notre modèle consiste à financer ces structures, les rendre fonctionnelles, tout en assurant que leurs services soient accessibles à tous.
On observe un narratif négatif récurrent sur l’Afrique, ce qui a un impact négatif lorsque les Etats Africains veulent lever des fonds sur le marché international. Que faire pour changer cela ?
Le narratif négatif sur l’Afrique n’est pas nouveau. Il repose sur l’idée que le Continent représente un risque élevé, ce qui entraîne des coûts d’emprunt plus élevés à travers des taux d’intérêt majorés. Mais ce récit ne changera que si nous commençons par changer notre propre perception. Il faut que nous racontions nous-mêmes notre histoire. Cela passe par : la création de nos propres agences de notation, la mobilisation accrue des ressources financières locales. Chez Afreximbank, ces six dernières années, nous avons renforcé notre collaboration avec les banques centrales africaines et le secteur privé africain. Résultat : ces sources constituent aujourd’hui notre deuxième plus grand canal de financement. Cela signifie que l’Afrique peut se développer avec ses propres moyens. En racontant notre propre récit et en utilisant nos ressources, nous démontrons que nous ne sommes pas le Continent à haut risque que certains décrivent. D’ailleurs, nos gouvernements enregistrent moins de défauts de paiement que beaucoup d’autres régions du monde.
Propos recueillis par Hervé Fopa Fogang, à Abuja