Une économie à fort potentiel à relancer
Les Camerounais doivent pouvoir confronter différentes options de gouvernance économique : relance par l’investissement public, appui au secteur privé, réformes fiscales, etc. Sans programmes détaillés, la campagne présidentielle se réduit à une compétition de discours populistes et de promesses intenables. L’absence de clarté peut accentuer le déficit de confiance entre gouvernants et gouvernés. Chaque candidat devrait répondre à ces questions essentielles :
– Comment relancer la croissance dans un contexte où son taux est de 3,5% en moyenne sur les cinq dernières années, ce qui est très insuffisant pour absorber le chômage des jeunes, évalué à près de 30% dans le secteur urbain informel ?
– Comment maîtriser la dette ? Au 31.03.2025 la dette publique s’élevait à FCFA 14 442 Milliards, soit 44,7% du PIB, ce qui va exiger pour cette année, FCFA 431 Milliards rien que pour le paiement des intérêts. Ces montants absorbent une grande partie du budget de l’Etat (FCFA 6835 Milliards pour la période 2025-2027 dont 1259 Milliards d’intérêts). Même si nous restons en dessous du seuil de 50% du PIB fixé dans la stratégie d’Endettement à Moyen Terme, mais aussi bien bas par rapport au ratio de 70% utilisé comme critère de convergence dans la zone CEMAC, il n’en reste pas moins que ces montants absorbent les ressources budgétaires, ce qui limite les marges pour financer l’éducation, la santé et surtout les infrastructures de développement.
– Comment attirer les investisseurs ? Les bailleurs et investisseurs évaluent la solidité des politiques proposées. Leur perception du « risque Cameroun » est essentielle pour investir. Pour cela, les reformes sur la gouvernance, la transparence budgétaire et l’amélioration du climat des affaires dans notre pays classé 167e au dernier Doing Business (publié en 2020 et arrêté depuis lors par la Banque Mondiale), doivent être au centre des débats.
Un débat public télévisé, centré exclusivement sur les questions économiques et budgétaires devrait être engagé par les médias. Ce serait un pas vers une démocratie plus mature, où le vote se fonde sur des idées et non sur des émotions.
Les précédents d’autres pays africains A titre d’exemple, au Nigeria voisin, la campagne électorale présidentielle de 2023 a été marquée par des débats chiffrés sur l’économie, en particulier le taux de change du Naïra, les subventions aux carburants, la réforme fiscale. Au Ghana qui connaît une crise de la dette, les candidats présentent systématiquement un cadre macro-économique clair. Le Cameroun ne peut plus rester en marge de ces exigences. Chaque candidat devrait publier des scénarios chiffrés (emprunts projetés, taux estimés, échéances de paiement, comment les promesses de campagne seront financées) et présenter des indicateurs de suivi tels que le ratio dette/PIB, part du service de la dette dans les recettes fiscales.
Évaluation de la solidité des politiques proposées
Afin d’éviter que la dette ne plombe l’avenir des jeunes générations, les candidats à l’élection présidentielle doivent proposer des mesures concrètes : renégociation des mauvais emprunts coûteux et improductifs, intensification des financements concessionnels qui sont en baisse, optimisation des recettes fiscales, et surtout une stratégie de dette visant à ne pas dépasser 50% du PIB pour préserver la soutenabilité.
Le programme économique et financier de chaque candidat devra pour être crédible, indiquer très clairement sa stratégie de gestion de la dette et de négociation des conditions d’emprunt, ses propositions objectives pour accroître les recettes fiscales tout en élargissant l’assiette fiscale, son plan ambitieux pour stimuler la croissance et l’emploi en mettant l’accent sur les secteurs porteurs, sa politique claire de réduction des dépenses publiques (supprimer les dépenses improductives et les dépenses administratives excessives) et de renforcement de la gouvernance (transparence, reddition systématique des comptes pour lutter contre la corruption endémique et les détournements de deniers publics devenus un sport national).
Enfin, chaque candidat doit donner sa vision sur le financement des grands projets d’infrastructures (PPP, financements innovants notamment obligations vertes, titres indexés sur des indicateurs de performance, titrisation, etc…).Exiger des candidats des programmes économiques et financiers évaluables, est une nécessité démocratique et une garantie de stabilité future. L’avenir de notre pays dépendra de la capacité du prochain Président de la république et ses équipes, de concilier une vision politique et d’unité nationale de grande facture, à une parfaite discipline budgétaire et financière.
Hubert OTELE ESSOMBA, Expert Financier