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Dieudonné Ndeh : « Avec 100 millions de FCFA, Soctracao peut produire 60 tonnes de produits chocolatés par an »

(Leconomie.info) - Spécialisée dans la commercialisation et la transformation locale du cacao, la Sotracao est une entreprise fondée en 2014. Avec une capacité de transformation qui oscille entre 15 et 20 tonnes par an, ce chiffre selon son Directeur général reste faible. Dans une interview accordée au quotidien L’Economie, ce dernier revient sur les difficultés auxquelles il fait face, non sans tendre la main au gouvernement.

Vous êtes le Directeur général de Sotracao, spécialisée dans la transformation du cacao. Dans quel contexte est née cette entreprise ?

Il faut dire que Sotracao est née d’une révolte. C’est pour cette raison que vous verrez même sur nos produits, c’est toujours marqué « révolution ». Moi j’ai fait une formation professionnelle en développement communautaire en Afrique du Sud en 2005. Et durant la formation, on avait l’opportunité de parcourir les régions sud-africaines. Et c’était l’occasion pour nous de découvrir l’Afrique du Sud dans son entièreté.

Et à ma grande surprise, je me suis rendu compte que les terres ne sont pas aussi riches que celles du Cameroun. Et j’étais surpris de voir qu’ils n’importent pratiquement pas ce qu’ils mangent. Et je suis parti de là, révolté. Et depuis mon retour de Cape Town, je n’ai pas cessé de vouloir faire des choses différemment.

Au départ, j’avais commencé par former la jeunesse à l’entrepreneuriat, notamment en cuisine, sur le montage des projets de développement (imprimerie, couture, soudure…). J’organisais des petites formations en me basant sur ce que moi-même j’avais appris en Afrique du Sud.

C’est comme ça qu’en 2014, je dis qu’il est temps qu’on transforme ce que nous produisons. C’est là où nous nous sommes dits qu’on va transformer les produits agricoles en commençant par le cacao. C’est d’où est née l’idée de la Sotracao.

De 2014 à 2024, soit 10 ans après, vous êtes présents sur le marché avec une variété de produits. Peut-on dire que le Made in Cameroun a désormais une place sur le marché local ?

Au départ, ça nous a demandé beaucoup de pédagogie. Il fallait changer le mindset des Camerounais, des consommateurs, et aujourd’hui, beaucoup préfèrent les produits locaux. Pour notre cas, nous avons été confrontés aux difficultés liées au packaging, à la présentation du produit. Nous avons fait des corrections, et il y a eu des améliorations à ce niveau. Aujourd’hui les Camerounais préfèrent notre chocolat au chocolat importé.  Surtout la classe moyenne.

Qui sont vos principaux fournisseurs de matières premières ?

Nos fournisseurs sont des coopératives, basées dans les bassins de production de cacao. Il faut dire que nous avons une particularité c’est que nous avons travaillé et accompagné ces coopératives dans les techniques post-récolte et dans la transformation du cacao. La plupart de ces coopératives avec lesquelles nous travaillons connaissent ce qu’on fait avec leur cacao, et elles-mêmes peuvent le faire à petite échelle pour leur propre communauté.

C’est la particularité que nous avons pu développer. C’est vrai qu’on nous a toujours demandé pourquoi nous ne disposons pas de plantation. Nous sommes au milieu de la chaîne, c’est-à-dire qu’on est du secteur secondaire. Le primaire commence avec les plantations, nous on récupère on transforme avant d’envoyer au tertiaire qui va vendre.

Depuis le mois de novembre 2023, le prix du kilogramme s’est envolé, atteignant les 6 000 FCFA. Cette situation a-t-elle un impact négatif ou positif dans votre activité ?

C’est les deux. Il y a des inconvénients et des avantages. Il faut dire que les coopératives suivent les cours du marché. C’est à leur avantage. Nous sommes contents d’avoir travaillé avec certaines de ces coopératives. Mais, d’un autre côté, il faut dire que ça joue sur nous les petits transformateurs.

Parce qu’on n’a pas de grands moyens pour faire du stock. Et on n’a pas de gros équipements pour produire en grande quantité et minimiser les coûts. Voilà où ça joue négativement. Mais positivement, Sotracao, à cause de cette flambée des prix, on a pu retrouver la clientèle que nous recherchions quand nous créions l’entreprise.

Quand on créait Sotracao, on ne la créait pas pour faire du chocolat, mais plutôt du beurre de cacao et de la poudre de cacao. Malheureusement, pendant au moins 5 ans, on n’a pas eu de la clientèle pour ces deux produits. La flambée des prix sur le marché international a fait que nous avons retrouvé cette clientèle, qui est revenue. Ce qui n’était pas le cas. Donc, c’est à notre avantage. Mais il faut dire que c’est le planteur qui gagne, parce qu’il est le cœur de notre métier. 

Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés au quotidien dans votre activité ?

L’un des principaux défis, c’est notre capacité de production. On ne suit pas toujours la demande. Le deuxième défi est que dans certains supermarchés, on peine à accepter nos produits, pourtant, les consommateurs vont vers eux pour s’approvisionner. Malgré l’appui du ministre du Commerce, il y a certains qui s’en foutent éperdument.

Qui méprise l’autorité de l’Etat. Nous nous sommes fait parrainer par le ministre du Commerce, qui a envoyé des lettres signées de sa propre main, auprès de certaines grandes surfaces qui n’en n’ont pas donné suite. Ça c’est la grosse difficulté. Nos produits sont de qualité. Nous sommes certifiés ANOR.

Nous suivons une certaine rigueur en termes de qualité. Et nos produits sont à forte contenance de cacao. Mais malheureusement, certaines grandes et moyennes surfaces nous boudent. L’une des rares raisons que ces supermarchés évoquent, c’est que quand ils passent la commande, on ne livre pas.

Ils ont quelques raisons parce qu’on a une très faible capacité de production. Vous savez, le secteur secondaire est un secteur où on n’entre pas sans les moyens. Il faut avoir suffisamment de moyens pour s’équiper.

Parlant justement de la production. Quelle est votre capacité annuelle ?

A date, notre petite usine peut transformer entre 15 et 20 tonnes par an. Cette capacité est vraiment insignifiante pour la consommation locale. Nous continuons à chercher des financements pour accroître cette capacité, afin d’atteindre 75 à 100 tonnes par an. Donc 15 à 20 tonnes sont vraiment insignifiantes surtout que nous ne sommes présents actuellement que dans deux grandes villes (Yaoundé et Douala). S’il faut couvrir ne serait-ce que les 10 principales villes du Cameroun, on va se retrouver tout le temps en rupture de stock. C’est pour cela que nous continuons de travailler pour chercher des appuis financiers qui peuvent nous aider à booster notre capacité de production.

Le gouvernement a mis sur pied différentes mesures d’appui au secteur privé pour impulser la politique d’import-substitution et accroître la production et la transformation locales. Sotracao en tire-t-elle profit ?

Oui, nous en bénéficions, au travers du ministère des PME. Par exemple, lors du Covid-19, le ministère des PME nous a accordé une subvention de 5 millions de FCFA. C’était une grande bouffée d’oxygène. Il y a des séminaires et des ateliers de mise à niveau où nous sommes invités. Cet accompagnement est là.

Mais, quelque part, ce n’est pas suffisant parce qu’après qu’on ait reçu des formations sans équipements, sans fonds de roulement, ça ne peut pas être quantifiable et évaluable. Donc on reste encore dans le besoin. Pour nous qui ne demandons pas beaucoup, nous aurions souhaité bénéficier encore d’un petit soutien de l’Etat qui peut être des fonds de garantie souverain…

Si Sotracao a 100 millions de FCFA, nous pouvons faire 60 tonnes de produits chocolatés par an. Ce qui va augmenter le nombre d’emplois. Aujourd’hui, j’en ai 14, je pourrais passer même à 18 emplois permanents. Mais où trouver ces 100 millions de FCFA ?

Si l’Etat peut nous aider à trouver cet argent, ou alors nous accorder une subvention et faire des suivis. Parce que nous voulons entrer dans la politique du chef de l’Etat : l’import-substitution. Il faut aussi relever que les obstacles que nous avons. Même comme certains agents véreux de l’Etat qui ne cessent de nous torturer par des contrôles.

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