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Célestin Bedzigui : « La société de péage est une entité prédatrice de  ressources du pays sans contrepartie durable »

(Leconomie.info) - Quand le prétexte de la sécurisation des recettes du péage sert à masquer une nième manœuvre de pillage des ressources du pays.

Le présent propos veut alerter l’ opinion  sur le coût d’opportunité et le préjudice économique énormes que ferait supporter à notre pays le choix fait par les administrations en charge dont principalement le Ministère des Travaux Publics, pour tirer avantage du péage généré par le trafic routier croissant dans notre pays, d’établir une société de péage au prétexte de la sécurisation des recettes dans une logique de satisfaction des intérêts de court terme plutôt qu’une société d’ autoroutes dont les missions seraient de soutenir la réalisation de notre réseau autoroutier dans une perspective  de  développement à long terme.

L’invasion de l’Allemagne pendant la deuxième guerre mondiale par les pays alliés  a fait prendre  conscience à  ces derniers du retard de leur réseau de communication terrestre comparativement aux autoroutes construites par le régime nazi. La nécessité d’une grande politique de rattrapage dans ce domaine  s’est ainsi imposé à l’esprit des gouvernements des vainqueurs de l’Allemagne et est devenue une des composantes essentielles de la reconstitution des bases de leurs économies.

Toutefois, la rareté des ressources des pays sortant de la guerre et les besoins colossaux de la reconstruction ont  fait apparaitre que les seules recettes fiscales et une gestion en régie ne pouvaient permettre la réalisation de  la transformation structurelle d’envergure  qu’était la construction  de réseaux d’ autoroutes et des grands ouvrages de traversée de fleuves. Il a donc fallu trouver une formule permettant de résoudre le problème du financement des programmes de réalisation de ces nouvelles infrastructures.

La solution sera trouvée dans un  modèle économique et financier basé  sur le recours à  des sociétés d’autoroutes, entités privées ou d’ économie mixte,  auxquelles l’ État accorde des concessions dont l’ objet est la construction d’ autoroutes, étant entendu qu’ il revient à ces entités de lever des financements à cette fin, sans bourse déliée pour le Trésor, les ressources nécessaires au remboursement  de ces financements provenant du péage payé par les usagers. Dans ce modèle, la part de responsabilité de l’État porte sur la libération des emprises et les dédommagements éventuels des riverains.

Ce mécanisme permet ainsi que le péage soit le levier principal qui permet de financer de manière soutenue le développement des réseaux d’autoroutes et des grands ponts,  les ressources qu’il procure étant affectées au remboursement des emprunts contractés par les sociétés d’autoroutes dans l’accomplissement de leur mission.

C’est ce modèle qui s’est finalement imposé et est désormais d’usage universel. Il est fondé sur une rationalité économique dans laquelle le péage perçu par la société d’autoroutes et des ponts est un instrument précieux qui permet au pays de se doter d’un réseau autoroutier de standard international sans une discontinuité de genre observé en ce moment dans la construction de l’autoroute Douala-Yaoundé. Le péage est donc de ce fait un levier puissant de réalisation d’infrastructures essentielles au décollage économique du pays.

La concession d’exploitation du péage en cours de mise en place accordée  par le Ministère des Travaux Publics à  des partenaires étrangers à des conditions inégales et questionnables pour ne pas dire plus, prétexte pris d’ une sécurisation des recettes,  sans la contrepartie  que devrait être la construction d’autoroutes,  déroge gravement à ce modèle, dans une démarche où certains pourraient interroger la compétence et d’ autres nourrir des soupçons de corruption.

La soit- disant sécurisation des recettes  est en réalité une manière de sacrifier les intérêts économiques fondamentaux de long terme en équipements en infrastructures du pays sur l’ hôtel des intérêts de court terme au bénéfice d’un complexe de prédateurs cachés dans nos administrations associés à des entités bien connues de l’ exploitation néocoloniale de notre pays dans le secteur des travaux publics.

Le choix  actuel  de l’utilisation du péage de la manière la plus inefficiente qui soit prive en tout cas le pays  du recours à  un outil essentiel à l’édification de son  réseau autoroutier. Pire, en introduisant dans le jeu une société de péage dont le « business model » présente un investissement surévalué pour justifier un retour d’investissement excessivement élevée,  le résultat patent de son  activité fera du Cameroun sa vache à lait pendant des décennies. 

Pour se résumer, il faut comprendre  que la société de péage qui est en cours de mise en place est une entité prédatrice de  ressources du pays sans contrepartie durable tandis que les sociétés d’autoroutes seraient des entreprises de construction d’infrastructures durables. Si l’option de la société de péage en cours de mise en œuvre par le Gouvernement est maintenu, nous serions   bien là en face  d’un crime économique par défaut qui ne saurait ne pas être relevé et se doit d’être être cautérisé.

Au regard des enjeux et des défis portés par la mise en place du réseau autoroutier national, il conviendrait qu’ une option ferme soit prise par les plus hautes instances du pays pour une rectification de la trajectoire vicieuse actuelle prise par les administrations à la manœuvre, en mettant aux enchères les concessions pour la construction par des sociétés d’ autoroutes des différents tronçons à aménager.

Les sociétés adjudicataires iront ainsi levé des financements sur la base de leur crédibilité propre, sans engagement pour le Gouvernement. Les remboursements seraient ensuite assurés par le produit du péage grâce à l’importance croissante du trafic routier.

Cette démarche serait identique à celle qui a  été adoptée par le Général de Gaulle pour engager l’autoroute du Sud  et l’autoroute de l’Est en France,  et par le  Général Eisenhower pour le maillage autoroutier des USA dans les années 1950.  Le Cameroun présentent l’avantage d’être le territoire de transit  des marchandises vers l’hinterland que sont la RCA, le Tchad, le Nord Nigeria voire le Sud Soudan. C’est un profil géographique qui sans aucun doute,  favorisera un trafic générant des revenus de péage d’un niveau garantissant la matérialisation de cette vision prométhéenne.

Il est dès lors d’une ardente nécessité que  les opérateurs actuellement impliqués, s’ils étaient maintenus en course voient leur qualité de société de péage muter en société d’autoroutes par une réécriture de la convention les liant à l’État. Cette mutation est le seul moyen indiqué pour s’assurer que leur implication dans les opérations génèrera une contrepartie effective pour préserver les intérêts du Cameroun, autant dans la conjoncture économique actuelle que pour les générations futures.

Sa Majesté Célestin Bedzigui

Président du PAL- Parti de l’Alliance Libérale

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