Comme en 2024, le Cameroun a été maintenu dans la liste grise du Gafi cette année, à l’issue de la seconde plénière du Groupe d’action financière, tenue du 19 au 21 février 2025, en France. Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, le pays a adopté un plan d’action dont l’échéance est fixée à septembre 2025. A tout juste trois mois du terme, il est encore très loin des objectifs.
Sur 24 actions nécessaires pour sortir le Cameroun de la liste grise du Gafi, seules 8 ont été jusqu’ici implémentées. Les 16 autres manquent à l’appel, soit seulement 40% des actions menées, dans le cadre du plan d’action mis sur pied pour le Cameroun.
« Il y a encore 16points pour lesquels nous sommes en deçà, nous nous battons. Le délai c’était septembre 2025, donc vous comprenez qu’en trois mois il faut que nous nous battions pour essayer d’atteindre ces objectifs », a indiqué Salomon Ndjié, membre magistrat Anif, au sortir des travaux de la première session du Comité de coordination des politiques nationales de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, tenue le 25 juin 2025, à Yaoundé.
D’un aperçu général, le Cameroun accuse un grand retard dans l’implémentation du plan d’action qu’il a lui-même institué, pour sortir de la zone critique. Qu’est-ce qui serait à l’origine de ces écarts ? s’est interrogé Yaouba Abdoulaye, ministre délégué auprès du ministre des Finances. L’assise avait donc pour objectif, d’évaluer les freins à la mise en œuvre du plan d’action y relatif. Pour le ministre délégué, si le pays se retrouve dans la liste grise du Gafi, c’est à cause des défaillances constatées dans son dispositif de lutte.
« Le Gafi a établi des recommandations, 40 au total. On dit comment le pays doit être organisé pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et chaque pays est noté en tenant compte de ces recommandations. Lorsque vous ne remplissez pas les critères, on trouve que le système financier international peut être menacé », a soutenu Salomon Ndjié.
Dans cette lutte, où se situe le Cameroun ? C’est la principale préoccupation qui était inscrite à l’ordre du jour de cette session qui avait tout son intérêt, dans la mesure où le Gafi attend un 5 eme rapport du Cameroun, avant le 5 juillet 2025.
Ce qui a été fait
Inscrit sur la liste grise du Gafi depuis 2023, le Cameroun avait encore beaucoup de points à combler jusqu’en février dernier. Pour sortir de la surveillance renforcée du Groupe d’action financière, il lui fallait démontrer que les enquêtes et les poursuites en matière de financement du terrorisme sont menées conformément aux risques, renforcer l’échange sécurisé d’informations avec la cellule de renseignement financier, les entités déclarantes et les autorités compétentes et en démontrant une augmentation de la diffusion des rapports de renseignement pour soutenir les besoins opérationnels des autorités compétentes, Aligner les stratégies et politiques nationales de LBC/FT sur les conclusions de l’ENR et en suivant leur mise en œuvre, en démontrant la coopération et la coordination en matière de LBC/FT entre les autorités compétentes, entre autres.
En termes d’avancées dans son plan d’action, l’alignement des politiques et stratégies nationales sur les conclusions de l’évaluation nationales des risques et la prise des mesures pour surveiller la mise en œuvre de ces politiques afin de garantir la mobilisation des ressources et soutenir que les activités de l’autorité compétente sont conformes aux priorités identifiées. Dans cette liste on va inscrire également le partage d’informations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux aux autorités compétentes.
Si le pays veut se libérer de la « surveillance renforcée » d’ici le mois de septembre prochain, il lui faudra d’abord mettre en œuvre une approche fondée sur les risques des organisations à but non lucratif, au renforcement des capacités des superviseurs de ces organisations, de même que la surveillance basée sur les risques.
Rappelons qu’après la première décision du Gafi, le président de la République, Paul Biya a signé le 30 octobre 2023, le décret portant création, organisation et fonctionnement du Comité de coordination des politiques nationales de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.
Figurer dans la liste grise est lourd de conséquences pour le pays. De l’avis de certains experts, le Cameroun s’expose ainsi à l’augmentation des coûts des procédures de conformité qui entraineront une restriction des investissements étrangers et une réduction des entrées de capitaux en devises, qui affectera négativement le solde de la balance commerciale du Cameroun, une surveillance règlementaire accrue par les organismes règlementaires nationaux et internationaux…