Elles sont révélées dans une correspondance adressée à Abbas Mahamat Tolli, gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale par Bienvenu Marius Roosevelt Feimonazoui , directeur général du contrôle général de la Beac.
Hervé Ndoba, président du Conseil d’administration de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), par ailleurs président du Comité ministériel del’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac) a adressé le 1er août 2022 une correspondance à Abbas Mahamat Tolli, gouverneur de la Beac. Dans la correspondance, il instruit ce dernier à surseoir de manière immédiate au processus de recrutement des agents d’encadrement supérieur. « Il m’est revenu, selon diverses sources concordantes, que le déroulement du dernier concours organisé par la Beac pour le recrutement de ses agents d’encadrement supérieur, a été émaillé d’incidents significatifs de nature à en altérer la crédibilité » écrit Hervé Ndoba.
Dans une note adressée au gouverneur de la Beac après le concours qui s’est déroulé le 28 mai 2022 et dont l’Economie a obtenu copie, Bienvenu Marius Roosevelt Feimonazoui , directeur général du contrôle général de la Beac révélait déjà de nombreuses irrégularités dans l’organisation du concours notamment au Cameroun et au Gabon. « Initialement prévus pour débuter à 9 heures dans l’ensemble des six pays et Paris, les épreuves ont finalement commencé à 13heures et 15 minutes au Cameroun et à 11h et 50 minutes au Gabon. Dans les autres pays, les horaires de début ont été respectés. Dans le cas du Cameroun, il apparait que les copies des épreuves n’étaient pas disponibles dans les délais prévus et que les photocopies de ces dernières aient été effectuées, le jour même dans des conditions ne garantissant ni leur confidentialité ni leur exhaustivité. Ainsi par exemple, jusqu’à 19 heures passées, les épreuves relatives à la monétique n’avaient toujours pas débuté » écrit Bienvenu Marius Roosevelt Feimonazoui.
Ce dernier souligne dans sa note que les salles de classes du Centre d’examen étaient privées d’éclairages « comme le montrent certaines vidéos circulant déjà sur les réseaux sociaux. Cette situation selon directeur général du contrôle général de la Beac n’a pas permis aux candidats de composer dans des conditions satisfaisantes et les a contraints « à s’éclairer à l’aide de leurs téléphones portables, chose proscrite dans ce concours. Ils avaient ainsi potentiellement accès à certaines réponses aux questions posées par le biais d’internet ».
Cas du Gabon
Dans le cas du Gabon, Bienvenu Marius Roosevelt Feimonazoui affirme que la détention d’un document d’identité valide était théoriquement une condition sine qua non pour pouvoir accéder aux salles d’examen. « Cependant, dans les faits, même les candidats ne remplissant pas cette condition ont été admis à concourir. De plus, les organisateurs n’ont pas respecté l’horaire de début des épreuves prévu pour 9 heures avec fermeture des portes à 8 heures » renchérit , Bienvenu Marius Roosevelt Feimonazoui. C’est au regard de ces multiples défaillances que Hervé Ndoba demande au gouverneur de la Beac de « sursoir, de manière immédiate à ce processus de recrutement ».
Favoritisme
Au-delà des défaillances dans l’organisation du concours, Abbas Mahamat Tolli est également accusé de favoritisme. En effet, sur les 36 candidats de nationalité tchadienne reçus à l’écrit, treize seraient liés ou directement apparentés à Abbas Mahamat Tolli lui-même. Parmi les treize personnes « figurent notamment son épouse, Fatimé Zara Saleh Djouma, un gendre, Imrane Gueillet Hemchi, plusieurs cousins, des neveux ainsi que le fils d’un ancien collaborateur au ministère tchadien de l’Économie ».
Outre l’entourage d’Abbas Mahamat Tolli lui-même, Jeune Afrique souligne que d’autres personnalités sont également visées par des soupçons, notamment le vice-gouverneur camerounais Dieudonné Evou Mekou et le secrétaire général sortant gabonais Désiré Guedon, dont les fils ont eux aussi été déclarés admis après la phase écrite du concours. « Je vous rappelle que l’intégration des ressources humaines les plus qualifiées, aux fins d’assumer les tâches dévolues à la banque centrale par les Chefs d’Etats de la Cemac, doit obéir à des impératifs alliant nécessairement mérite, égalité des chances, transparence et exigence permanente de compétence » argumente Hervé Ndoba dans la correspondance envoyée à Abbas Mahamat Tolli.
Interpellé par le Président du Conseil d’administration (PCA), le gouverneur de la Beac n’a pas tardé à réagir. Hier, 2 août 2022, Abbas Mahamat Tolli a écrit au PCA. « Je voudrais d’abord vous rassurer que le processus de recrutement en cours est conduit et organisé de bout en bout par un cabinet international de grande réputation et choisi par voie d’appel d’offres international, et qui bénéficie de l’appui d’une commission ad hoc mise en place au sein de la banque », souligne Abbas Mahamat Tolli.
Dans la même veine, il ajoute : « Aucun organe ne saurait s’immiscer dans les attributions du gouvernement de la Beac exercées en toute transparence et dans l’intérêt supérieur de l’institution, sans causer d’entorse aux principes de subsidiarité et de gouvernance… C’est pourquoi, monsieur le ministre, il me paraît de toute évidence que contraindre le gouverneur de la banque centrale à convoquer des sessions extraordinaires du Conseil d’administration et du Comité ministériel sur une question relevant purement de la gestion opérationnelle, est contraire aux statuts de la banque centrale (article 47,5) et constituerait un dangereux précédent », fait savoir Abbas Mahamat Tolli à Hervé Ndoba. Une affaire à suivre.