La récente Loi de Finances Rectificative 2024 adoptée par le Cameroun prévoit une réduction significative de 25,3 % de son enveloppe de levées de fonds sur le marché des capitaux de la CEMAC. En effet, le gouvernement camerounais a décidé de ramener l’enveloppe d’émissions de titres publics à 280 milliards de Francs CFA, contre 375 milliards initialement prévus dans la loi de finances adoptée en décembre 2023, soit une baisse de 95 milliards de Francs CFA.
Cette diminution des levées de fonds affectera également les dépenses en capital, réduites de 48 milliards de Francs CFA, pour atteindre 1 604,07 milliards de Francs CFA contre 1 652,07 milliards prévus initialement. Il est à noter que l’enveloppe votée en décembre 2023 était déjà inférieure de 75 milliards de Francs CFA par rapport à celle de 2022, qui s’élevait à 450 milliards de Francs CFA. Cette tendance baissière soulève des interrogations sur la volonté des émetteurs de recourir au marché local pour couvrir leurs besoins de financement.
Contexte Économique et Implications
Plusieurs facteurs expliquent cette révision. La hausse des tensions inflationnistes a poussé la Banque Centrale à durcir les conditions de crédit, augmentant ses principaux taux directeurs à 5,0 % pour le Taux d’Intérêt des Appels d’Offres (TIAO) et à 6,75 % pour le Taux de Facilité de Prêt Marginale (TFPM). En parallèle, des ponctions hebdomadaires de liquidité auprès des banques commerciales, principales détentrices de la dette publique avec plus de 76 % des encours à fin avril 2024, ont été mises en place.
De plus, en 2023, le Cameroun a vu sa note dégradée par des agences de notation internationales telles que Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch Rating, ce qui a accru le risque de tensions de liquidité. En conséquence, les coûts de levée de fonds pour le Cameroun ont augmenté, avec des rendements en hausse d’au moins 200 points de base en glissement annuel. Par exemple, les rendements des titres camerounais à court terme (BTA-52 semaines) sont passés de 4,89 % à 7,06 % entre mai 2023 et mai 2024, et ceux à maturité de 10 ans de 6,08 % à 8,61 %.
Conséquences pour le Marché des Capitaux de la CEMAC
Le Cameroun, qui représente environ 40 % du PIB de la CEMAC en 2023, est un acteur clé sur le marché des capitaux de la sous-région. Avec 1 433,6 milliards de Francs CFA de titres en circulation à fin avril 2024, le pays est le troisième émetteur sur le marché des titres publics de la BEAC. Il détient également 48 % des obligations cotées sur la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale, soit 408,9 milliards de Francs CFA. Cette réduction des levées de fonds par le Cameroun pourrait entraîner une diminution de la liquidité sur le marché régional. De plus, cela pourrait également affaiblir la perception de la solidité et de la stabilité du marché des capitaux de la CEMAC, réduisant ainsi l’attractivité de la zone pour les investisseurs tant locaux qu’internationaux.
Recommandations pour l’Avenir
Face à cette situation, il est crucial pour les autorités camerounaises de se concentrer sur l’éducation financière afin d’élargir la base des investisseurs. Il est également essentiel de communiquer sur les stratégies d’investissement et de produire régulièrement des rapports sur l’utilisation des fonds levés pour rassurer les investisseurs. Cela permettra, en plus des mécanismes de sureté prévus avec la Banque Centrale, de renforcer la confiance déjà existante entre les parties
De plus, il est impératif de renforcer et promouvoir les outils de mobilisation de l’épargne locale. Encourager la participation des particuliers et des institutions locales par des incitations fiscales et des campagnes de sensibilisation pourrait accroître le volume des fonds disponibles sur le marché financier. La gestion d’actifs joue un rôle central dans ce sens en proposant des produits d’investissement adaptés aux besoins des épargnants locaux, tout en assurant une gestion prudente et diversifiée des actifs. Cela contribuera non seulement à stabiliser le marché des capitaux, mais aussi à stimuler la croissance économique de la sous-région en canalisant l’épargne locale vers des projets productifs portés par nos Etats.
Par Denis NZIFACK. Il est analyste économique et gérant obligataire chez Harvest Asset Management. Il est ingénieur maitre, option modélisation mathématiques appliquée en Economie et Finance, obtenu à l’École Nationale Supérieur Polytechnique de Yaoundé.
Et Marc KAMGAING. Il est fondateur et Dirigeant de la société créée en 2017.
A PROPOS D’HARVEST ASSET MANAGEMENT
HARVEST ASSET MANAGEMENT est le leader de la gestion de portefeuilles en zone CEMAC avec un encours sous gestion de 302 Milliards de FCFA à fin décembre 2023. Agréé par la COSUMAF, la société se distingue par la performance et la simplicité de ses solutions d’investissement et de placement ; toutes parfaitement adaptées aux spécificités, besoins et exigences de chacun de ses clients.